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Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Titel: Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Reynaert
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ménager ces « petits-bourgeois ». La tactique, c’est « classe contre classe ». Dix ans plus tard, au moment de la formation du Front populaire, on l’a vu, le parti a changé d’avis. C’est qu’entre-temps Staline s’est rendu compte qu’il était plus efficace de former à gauche des alliances fortes, pour ne pas se faire balayer par les nazis, comme en Allemagne. En 1939, il se retournera encore en s’alliant avec Hitler.
    Quelle importance ? Pour tous les militants, on l’a compris, une seule vérité compte, qui mérite tous les dévouements, tous les sacrifices : Moscou a toujours raison.
    À nos yeux, une telle structure assortie à un tel mode de pensée ressemble plus à une secte qu’à un parti démocratique. On peut au moins chercher à en comprendre les ressorts. Si la révolution est une donnée réelle de l’histoire, comme des générations de militants en sont certains depuis des décennies, pourquoi ne pas accepter qu’elle est effectivement advenue, comme les frères russes le proclament, et comme ils le prouvent en construisant ce paradis dont chaque jour la « vraie presse » montre les éclatantes réalisations ? Voilà ce qui anime un militant communiste alors : à quoi bon se perdre dans ces querelles stériles que les raisonneurs appellent démocratie ? À quoi bon prendre des gants pour ménager ces fausses libertés qui ne sont que des leurres inventés par les bourgeois ? Le vrai monde de justice et de liberté est là, de l’autre côté de l’Europe.
    Bien évidemment, pour nous qui regardons les choses des décennies plus tard, ce point de l’histoire nous plonge dans un immense malaise. La justice et la liberté, en URSS ? Lénine est mort en 1924. Staline a éliminé les uns après les autres tous ses rivaux pour devenir à la fin des années 1920 le seul maître implacable d’une puissance déjà totalitaire, prête à continuer une œuvre de mort dans des proportions qui dépassent l’entendement. Au début des années 1930, le dictateur veut pousser la collectivisation des terres. De nombreux paysans tentent de s’accrocher à leurs misérables biens : ils sont déportés par millions. Il a besoin de blé pour en vendre à l’étranger et constituer des stocks. Il le fait rafler jusqu’au dernier grain dans les campagnes. Tenter de récupérer un épi pour essayer de se nourrir est puni d’une balle dans la tête. En Ukraine et dans d’autres endroits de l’URSS, la grande famine de 1932-1933 laisse derrière elle des millions de cadavres. Au milieu des années 1930, dans son délire paranoïaque, le dictateur voit des espions et des traîtres partout, c’est le temps des « grandes purges ». Tous les anciens de la révolution d’Octobre, des généraux par dizaines sont torturés, traînés en procès, contraints les uns après les autres à d’humiliantes « autocritiques » pour demander pardon de crimes qu’ils n’ont pas commis, et sont exécutés. Des centaines de milliers d’individus anonymes connaissent le même sort. On sait maintenant que leur existence en tant qu’individus n’entrait même pas en ligne de compte, les listes de victimes se faisaient le plus souvent sur la base de quotas par région. Et pendant ce temps-là, en France – comme dans des dizaines d’autres pays –, de braves militants, très légitimement écœurés par l’injustice régnant dans leur propre monde, distribuaient sur les marchés et à la sortie des usines des tracts appelant à soutenir un si glorieux pays et son admirable chef, ce moustachu débonnaire qui rit d’un si bon rire, sur les films que l’on reçoit de là-bas.
    Que penser, aujourd’hui, d’une contradiction si proprement monstrueuse ? Il ne s’agit pas de se tromper de coupable. La faute est à ceux qui forgent les mensonges, pas à ceux qui les croient. Sans doute quelques dirigeants du Parti ne pouvaient que se douter de ce qui se tramait à Moscou. De nombreux délégués du Komintern furent eux-mêmes victimes des purges. N’oublions pas non plus qu’à la même époque de nombreux non-communistes furent également bernés : combien sont rentrés de leur voyage éblouis par la puissance soviétique, ou par ce qu’on avait bien voulu leur en montrer ? Reste cette tournure d’esprit propre, sans doute, aux militants, que l’on a déjà rencontrée dans ce livre, et que l’on rencontrera encore : la croyance . Comme autant de religieux face au

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