Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
plutôt la deuxième révolution russe. Au mois de février (c’est-à-dire, pour notre calendrier occidental, en mars), un premier soulèvement a renversé le tsar et tenté d’établir une république fondée sur des principes démocratiques et progressistes. Un second la balaye en octobre (c’est-à-dire en novembre pour nous), il est mené par une petite poignée de militants déterminés, aux ordres de leur chef, Lénine, qui n’a aucun scrupule à asseoir sa domination par la force : dès le lendemain du coup d’État, une féroce répression commence. Mais l’habillage par la propagande est simple : désormais le pouvoir est au peuple puisqu’il est dans la main de ses seuls vrais représentants.
La révolution est donc faite, la grande, la vraie, celle que Marx nous avait prédite et que l’on attend depuis si longtemps ? Au tout début, les socialistes européens en sont fort peu convaincus, leur solidarité va spontanément aux dirigeants issus de février, ceux que les putschistes viennent d’évincer. Peu à peu leurs certitudes se fissurent.
Les léninistes ont de la conviction. Ils entendent désormais être seuls à représenter l’espérance des prolétaires du monde. En 1919 à Moscou, ils fondent une Troisième Internationale, l’« Internationale communiste » – que l’on appelle souvent sous son abréviation allemande de Komintern . Elle demande aux partis ouvriers d’Europe de lâcher leurs vieilles attaches pour y adhérer. Faut-il le faire ou non ?
C’est l’occasion d’un nouveau déchirement. Il a lieu, en France, en décembre 1920 lors du congrès de Tours, moment essentiel de cette épopée. La majorité des délégués décident de suivre l’appel de Moscou. Pour eux, la Deuxième Internationale s’est discréditée à jamais en étant incapable de s’opposer à la grande boucherie de la Première Guerre mondiale dont le monde sort à peine. Elle y a même apporté sa caution. Les socialistes n’ont-ils pas fait partie des gouvernements de « l’union sacré » ? Il faut fermer cette page et en ouvrir une autre, qui sera enfin glorieuse. Il faut soutenir les frères russes, puisqu’ils ont réussi ce que l’Ouest cherche à faire depuis des décennies : la révolution prolétarienne. Une minorité, menée par le juste et scrupuleux Léon Blum, ne le veut pas. Il est trop attaché aux libertés pour accepter les conditions qui ont été imposées par les Russes comme préalables à l’adhésion : ces bolcheviques veulent que le vieux parti de Jaurès se transforme en une machine de guerre au service de Moscou, qu’il devienne partiellement clandestin. Ils exigent que toutes les décisions viennent d’un centre qu’on ne connaît même pas, à qui la base ne servirait plus que de courroie de transmission. Blum choisit, comme il le dit dans son émouvant discours, de « garder la vieille maison ». Voilà la gauche ouvrière à nouveau divisée en deux branches rivales. L’une, majoritaire au début, qui emporte avec elle L’Humanité , le journal fondé par Jaurès, a choisi le nom de SFIC (Section française de l’Internationale communiste) – on l’appellera bientôt le parti communiste. L’autre reste la SFIO. Deux sœurs ennemies qui prennent deux chemins que tout oppose, et qui, chacun, recèle des contradictions qui ne manquent pas de nous intéresser aujourd’hui encore.
Classe contre classe
D’un côté, donc, les communistes. Ils obéissent aux ordres donnés par le grand frère moscovite – c’est le principe même de leur adhésion au Komintern – et transforment le vieux mouvement débonnaire qui n’aimait rien tant que les congrès enfumés et les discussions interminables en un petit parti de combat, où règne une discipline de fer. Très rapidement, les nouveaux jeunes leaders approuvés par les Russes trouvent les plus infimes prétextes pour éliminer les vieux historiques qui ne répondent plus aux nécessités du moment. Une partie de la direction est donc clandestine, comme demandé, car il faut toujours envisager l’hypothèse d’être interdit. Elle donne la ligne, suivie aveuglément par des militants prêts à tout, y compris quand elle vire à 180 degrés, ce qui arrive souvent. Ainsi, dans les années 1920, le Komintern a désigné l’ennemi, les socialistes, ces « sociaux-traîtres », ces « valets du grand capital » qui osent douter de la vraie révolution. Les prolétaires n’ont pas à
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