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Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Titel: Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Reynaert
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prenant avec violence aux insignes d’une religion qu’elle espérait dépasser, la Révolution n’a fait que reproduire ce que le catholicisme en s’implantant avait fait à l’égard des dieux qui l’avaient précédé.
    Au moment de l’effondrement de Rome – vers le v e  siècle –, l’Europe occidentale est encore partagée. À l’intérieur de ce qui était l’Empire, des terres majoritairement chrétiennes parsemées de poches de paganisme. Au-delà des frontières, d’immenses espaces priant les dieux des Barbares. Quelques siècles plus tard, c’est partout la chrétienté , c’est-à-dire un univers uniformément chrétien, sinon quelques rares minorités, comme les Juifs dont nous reparlerons. Seulement il ne faut pas oublier la lente subtilité avec laquelle le phénomène est devenu réalité. Des signes runiques retrouvés dans le Jura, nous explique l’ Histoire des étrangers 4 , prouvent que les peuplades germaniques qui y étaient installées continuaient à sacrifier à leurs anciens dieux jusqu’au vii e  siècle, soit deux siècles après la conversion de Clovis, leur chef mythique. Comment ne pas voir aussi que bien des pratiques religieuses apparemment nouvelles recouvrent fort mal des réalités plus anciennes ?
    Songeons au culte des saints, par exemple. En Gaule, il s’est développé à partir du v e  siècle, autour de saint Martin de Tours, d’abord. On vient en pèlerinage jusqu’à sa chapelle , c’est-à-dire le monument où l’on garde une partie du fameux manteau qu’il a partagé avec un pauvre, la chape – c’est l’origine du mot. Et le martyrologe – la liste de tous les canonisés – et les lieux de pèlerinage qui vont avec grossiront bien vite. D’un point de vue catholique, les saints ont une grande importance théologique : ils font don au monde de l’exemple de leurs vertus, et comme on est sûr qu’ils sont au paradis, ils peuvent servir aux fidèles d’intercesseurs auprès de Dieu. D’autres historiens, comme l’Israélien Aviad Kleinberg, ont sur le phénomène un regard un peu différent : le culte des saints est fort commode pour une autre raison, il sert de substitut au polythéisme que l’on demande aux populations d’abandonner, alors qu’il était pratiqué depuis des millénaires 5 . Dès le moment où le christianisme est devenu la seule religion autorisée, partout dans les sanctuaires de l’Empire romain, le Christ a remplacé Jupiter, la Vierge a remplacé Athéna ou Héra, les statues des saints inventés les uns après les autres sont venues prendre la place des dieux mineurs qui y siégeaient, et les évêques en grande tenue sont allés placer les sources magiques, les arbres bénits où les peuples venaient chercher la guérison ou les miracles, sous la protection nouvelle de tel autre saint, de telle autre sainte parfaitement à la hauteur de leur fonction : la preuve, la source et l’arbre continuaient à faire autant de miracles et de guérisons qu’ils en faisaient depuis la nuit des temps.
    Oui, le temps est long, en histoire, et ni le peuple ni les grands n’aiment qu’on change leurs habitudes. Charlemagne est bon chrétien et il est polygame, comme les Germains l’ont toujours été. Laurent Theis nous explique 6 que si les clercs multiplient à l’époque carolingienne les traités sur le mariage, c’est simplement que cette pratique moderne n’est absolument pas entrée dans les mœurs. Trois siècles après la fin de Rome, quatre après la conversion de Constantin, on chôme encore le jeudi, jour de Jupiter (comme nous le dit toujours l’étymologie du mot). On jette des graines dans le feu pour conclure un marché. On lit l’avenir dans les excréments d’animaux. Et le calendrier que l’on dit chrétien ne finit par s’imposer qu’en se calant soigneusement sur les découpes du temps qui préexistaient. La fête des morts de novembre est plaquée sur celle, celtique, de Samain. La date de naissance du Christ est fixée vers le v e  siècle, c’est-à-dire un demi-millénaire après l’événement qu’elle est censée célébrer : ainsi Noël peut se substituer au culte oriental du Sol invictus (le soleil invaincu) mais aussi au solstice d’hiver, essentiel chez les Celtes. La bûche du réveillon est une vieille réminiscence de cette célébration païenne. On peut y songer quand on en mange : sous la crème au beurre et le petit sapin en plastique, ce sont des dieux que

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