Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
son fils et successeur, Louis le Pieux ; début de la lutte pour l’Empire entre ses trois fils
– 842 : « Serments de Strasbourg », Louis le Germanique et Charles le Chauve jurent de rester unis contre Lothaire
– 843 : traité de Verdun, partage de l’Empire carolingien entre les trois frères
Le vieux chef franc est mort très vieux, cela présente un avantage : un seul de ses nombreux enfants lui survit. Il devient empereur à son tour, on l’appelle Louis le Pieux, ou Louis le Débonnaire. Les problèmes se posent à la génération suivante. Oublions les complexités de l’affaire, les fils qui ne sont pas du même lit, les clans aristocratiques qui se disputent derrière les prétendants, la guerre entre les héritiers qui commence du vivant même du pauvre Débonnaire et ne l’épargne pas : il est humilié, maltraité, détrôné puis remis en selle par ses propres enfants. Gardons l’essentiel. À sa mort, en 840, trois fils se disputent l’héritage : Lothaire, l’aîné, à qui a été promis la couronne impériale, et deux cadets, Louis, que l’on appellera bientôt Louis le Germanique, et Charles, surnommé le Chauve.
Dans un premier temps, les deux cadets font alliance contre le plus vieux. En 841, à Fontenay-en-Puisaye, un petit village situé non loin d’Auxerre, dans l’Yonne, leurs troupes unies infligent une cuisante défaite à celles de Lothaire. Un an plus tard, en 842, à Strasbourg, Charles et Louis renouvellent leur promesse d’entraide mutuelle. Ce sont les « serments de Strasbourg » que nous possédons toujours, et qui sont encore essentiels pour une raison qui dépasse de loin les sombres querelles familiales des temps carolingiens. Les deux princes avaient tenu chacun à s’exprimer de façon à être compris par les soldats de l’autre. Les textes que nous gardons sont donc écrits en trois langues : le latin, qui était commun à tous, le tudesque, un ancêtre de l’allemand parlé dans la région du Rhin d’où venaient les troupes de Louis, et une langue romane, celle de l’armée de Charles le Chauve, que l’on peut considérer comme l’ancêtre du français. Tous les linguistes les connaissent : au titre de l’histoire des langues, ils sont d’une richesse incomparable.
En 843, après bien des tractations entre les deux frères et l’aîné, après l’expertise pointilleuse d’un comité qui a évalué les ressources, les productions agricoles, les richesses en évêchés, en villes, en monuments, de chaque comté, de chaque province, les trois
frères enfin réconciliés s’entendent sur un partage de ce qu’ils considèrent comme leur patrimoine. Ils viennent sceller l’accord dans une ville fort commode, située aux confins de leurs futures possessions respectives : Verdun. L’Empire est divisé en trois portions égales, découpées dans le sens nord-sud. À Charles le Chauve échoit la Francie occidentale, sise à l’ouest des quatre rivières dont on a déjà fait mention, l’Escaut, la Meuse, la Saône et le Rhône. Louis, qu’on appellera pour cette raison le Germanique, obtient la partie la plus à l’est, la Francie orientale – grosso modo , là où sont aujourd’hui l’Allemagne et l’Autriche. Et Lothaire garde la couronne impériale, et la capitale qui va avec, Aix-la-Chapelle, et reçoit une large bande médiane qui part des bouches du Rhin et descend jusqu’au centre de l’Italie où est l’autre pôle du pouvoir terrestre : Rome. En son honneur on appellera cette portion la Lotharingie – d’où vient, en français, notre Lorraine .
Seulement Lothaire meurt vite, la malédiction de l’héritage se poursuit entre ses propres enfants et leurs oncles, ses frères, qui reprennent les querelles et se disputent les décombres de cette Francie médiane. Elles ne cesseront pas de si tôt. Voilà donc la configuration dont le traité de 843 pose les bases : à l’ouest, une entité que l’on appellera un jour le royaume de la France ; à l’est, une préfiguration de l’Allemagne, et entre les deux une succession disparate de provinces qui, des siècles plus tard, passeront de l’une à l’autre (l’Alsace par exemple), ou deviendront des États après avoir réussi à conquérir leur indépendance (la Suisse au Moyen Âge, la Belgique au xix e siècle). On a compris l’importance de l’enjeu. D’une certaine façon, au partage de Verdun de 843 s’est joué un millénaire d’histoire
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