Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
noise. Que fait Ferrand, notre « traître » ? Il devient, jusqu’à sa mort, un de ses plus fidèles soutiens.
Otton de Brunswick, un Normand comte de Poitou
Voyez aussi celui qui, dans notre première version, était appelé « l’empereur d’Allemagne ». Il se nomme Otton de Brunswick. Un nom pareil, c’est évident, cela ne se trouve pas sous le sabot d’un percheron. Eh bien si. L’homme est né en Normandie, il est par sa mère un des petits-fils d’Aliénor d’Aquitaine et de son deuxième mari, Henri Plantagenêt, ce roi d’Angleterre si angevin. Ses oncles s’appellent donc Jean sans Terre et Richard Cœur de Lion. C’est Richard qui l’a aidé à se placer dans la vie convenablement. Il a voulu en faire un duc d’York, puis un roi d’Écosse, finalement, il a fallu se rabattre sur des titres moins compliqués à obtenir : Otton est devenu comte de Poitou et duc d’Aquitaine. Pour trouver ses racines germaniques, il faut chercher du côté de son père, Henri de Saxe. C’est lui qui l’entraîne dans les sombres combines de l’élection au trône impérial. Il est prudent de ne pas s’y aventurer ici, personne ne s’y retrouve. Disons simplement qu’Otton devient « roi des Romains » – ce qui constitue une première étape, en quelque sorte – puis empereur. Mais il ne devient sûrement pas « empereur d’Allemagne », le titre n’existe pas. Le vaste territoire placé sous la couronne recoupe bien sûr ce qui est aujourd’hui l’Allemagne, mais aussi l’Autriche ou l’Italie, et rien n’est « germanique », alors, dans le Saint Empire. On parle là encore, tout comme au temps de Charlemagne, de « Saint Empire romain ».
Seulement, à ce trône, Otton est mal élu, son pouvoir est vacillant, il a besoin d’argent, et c’est ce qui le pousse à l’alliance avec le « roi d’Angleterre », Jean, c’est-à-dire son oncle. Il le fait d’autant plus facilement qu’une autre alliance essentielle lui a manqué bien vite. Pour de sombres histoires de mainmise sur le Sud de l’Italie – là encore, nous sommes loin de Hambourg ou de Cologne –, le pape, qui le soutenait et l’a couronné, change de cheval. Il décide désormais de défendre un jeune homme plein d’avenir, Frédéric II de Hohenstaufen. Celui-ci se trouve être aussi le candidat d’un homme qui s’intéresse de près à ces élections, Philippe Auguste. Passons sur les démêlés, eux aussi complexes, de Philippe Auguste avec le Saint-Siège – alliances, retournements d’alliances, le roi de France a même été excommunié pour une histoire matrimoniale comme cela se passe souvent. Quoi qu’il en soit, peu avant Bouvines, le roi de France s’est rapproché du pape et joue avec lui, dans cette partie de poker électoral, le jeune Hohenstaufen. On dit parfois qu’il s’est résolu à cette candidature après avoir abandonné l’idée de se présenter lui-même.
Reprenons donc notre film. Tout à l’heure, à Bouvines, le roi de France avait défait « l’empereur d’Allemagne » qui en voulait à son pays. Avec un zoom élargi, on peut comprendre plutôt qu’il s’est opposé et a vaincu un rival, qui parle la même langue que lui, croit au même Dieu, appartient aux mêmes sphères familiales, bref, un lointain parent. Oublions donc tous les détails fastidieux de ces entrelacs complexes, et gardons cette seule idée : plutôt que de s’imaginer des « États », des « nations » avant qu’ils n’aient été inventés, il est plus juste de relire cette Europe médiévale pour ce qu’elle était. Un vaste territoire placé sous la coupe d’une même caste dont tous les membres, apparentés, se disputent les morceaux. Cela vaut aussi, bien sûr, pour celui qui était posé dans notre histoire comme l’ennemi évident, pour ne pas dire l’ennemi « héréditaire », le « roi d’Angleterre ». On ne l’imagine sans doute pas buvant le thé en lisant le Times, mais nos représentations, en font clairement un étranger. Est-ce bien raisonnable ?
Jean est « roi d’Angleterre », c’est indéniable, mais il ne parle pas plus anglais qu’aucun roi de ce pays avant le xv e siècle. Les barons anglais dont on a parlé ne le sont pas plus que lui, et ils ne parlent pas non plus la langue qui sera celle de Shakespeare. Ils s’expriment pour la plupart dans cette langue d’oïl cousine du français que l’on parlait à Rouen ou à Caen, celle
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