Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
imposée par les barons au roi d’Angleterre, limitation du pouvoir royal et garantie de certaines libertés publiques
Pour cet homme né en 1919 se réglait aussi, comme il s’en explique au début du livre, une dette d’enfant. Le maître tenait, des décennies plus tard, à approfondir jusqu’au détail ce chapitre qui avait fait rêver le petit garçon, du temps qu’il allait à l’école. Pendant fort longtemps, en effet, la date de 1214 fut aussi célèbre que celle de 1515 ou de 1789, et le seul nom de Bouvines était gonflé d’une importance capitale : c’était de cette victoire que l’on datait « la naissance du sentiment national », c’était de ce jour-là que l’on assurait que le peuple de France avait pour la première fois eu l’idée qu’il était français. Allons donc y voir de près à notre tour.
Pour cela, il faut d’abord replacer les faits tels que, durant des générations, les petits Français les ont appris, et comme on les raconte bien souvent encore. Nous revoilà donc dans la chronologie au tournant des xii e et xiii e siècles, au cœur du grand face-à-face du moment, celui des Capétiens et des Plantagenêts.
Depuis la mort de son frère Richard Cœur de Lion, Jean sans Terre est devenu roi d’Angleterre ; il est en conflit avec le roi de France, Philippe Auguste. Il en a assez de voir celui-ci se saisir de tous les prétextes pour lui confisquer ses possessions sur le continent. Contre son ennemi français, il réussit à monter une véritable coalition comprenant quelques méchants vassaux rebellés contre
leur suzerain, comme Ferrand comte de Flandre, ou Renaud comte de Boulogne, et surtout un personnage autrement important : Otton de Brunswick, Otton IV, empereur du Saint Empire, c’est-à-dire celui qu’on appelle, dans les manuels dont on parle, « l’empereur d’Allemagne ». Le plan de Jean, pour terrasser le Français, est implacable : il le prendra en tenaille. Il attaquera le royaume par le Sud-Ouest, tandis que les coalisés fondront par le Nord. Les méchants seraient-ils toujours punis ? Le fait est là, tout échoue. Côté ouest, début juillet 1214, le prince Louis, fils de Philippe Auguste, futur Louis VIII, défait l’anglais Jean – qui fuit sans même combattre – à La Roche-aux-Moines (près d’Angers). Quelques semaines plus tard, côté nord, en trois heures de combat, un dimanche, près d’une rivière, à côté de Bouvines, donc, Philippe, l’auguste roi, triomphe de façon éclatante de ceux qui l’ont attaqué : l’armée ennemie est vaincue ; l’empereur d’Allemagne, jeté à terre, est obligé de s’enfuir piteusement à pied, en ayant laissé sur le terrain – suprême offense – ses insignes impériales ; Renaud de Boulogne est capturé avec des dizaines d’autres chevaliers ; le traître Ferrand est ramené à Paris, enchaîné dans une cage, accompagné par les railleries du peuple qui hurle au passage « Ferrand, te voilà ferré ! » et, à mesure qu’il apprend la nouvelle, le pays entier, dit-on, entre en liesse pour acclamer les troupes victorieuses. Villes pavoisées, Paris en fête, réjouissances durant des jours entiers. Vive Philippe ! vive notre roi ! Personne ne crie « vive la France », mais, on l’a bien compris, le cœur y était.
Rien ne manque donc au tableau. Les méchants seigneurs qui causaient tant de soucis à « nos rois » depuis des siècles sont enfin matés – échec à la féodalité – et les méchants étrangers qui, comme toujours, nous menacent sont chassés de notre territoire – gloire à la Nation ! Nous ne sommes qu’en 1214. On le voit, Bouvines ainsi décrite a des faux airs de 1918. En mieux encore, d’ailleurs. Durant la Première Guerre mondiale, la France était appuyée de nombreux alliés, dont les Anglais. Au xiii e , elle était seule. Ainsi, pour un cœur tricolore, Bouvines formait une sorte de sommet de la gloire nationale, un Waterloo que nous aurions gagné.
L’art de la guerre au Moyen Âge
Et alors ? Tout cela est-il faux, tout cela est-il inventé ? Non, bien sûr, tout cela est aussi vrai, tout cela est à peu près vrai si l’on accepte de tout relire avec des lunettes d’il y a cinquante ou cent ans. Et tout cela ressemble aussi à une vraie manipulation, si tant est qu’on accepte de changer enfin ses verres, ou si, tout simplement, on accepte de se déplacer de quelques pas pour prendre un autre d’angle
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