Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
à Reims
– 1430 : faite prisonnière par les Bourguignons devant Compiègne
– 1431 : brûlée à Rouen
Charles a désormais Dieu pour lui, ses conseillers poussent à en finir avec les batailles inutiles et incertaines ; ils veulent privilégier la diplomatie, cherchent à renouer l’alliance avec les Bourguignons. Jeanne veut toujours la guerre, elle n’est plus dans la ligne. En septembre 1429, elle a tenté une attaque sur Paris qui s’est soldée par un échec. En 1430, avec des mercenaires à sa solde, elle est devenue un chef de bande comme il y en a tant en cette époque de guerre civile. En mai, lors d’une sortie devant Compiègne, elle est faite prisonnière par les Bourguignons. Ils la vendent aux Anglais, ceux-là la font comparaître devant un tribunal ecclésiastique : il est important pour eux de montrer que celle qui a tant fait pour conférer à l’ennemi Charles VII son onction divine est une sorcière. Les juges lui reprochent de porter des habits d’homme, de prétendre parler à Dieu, d’être une hérétique. Jeanne se défend bravement, puis cède et avoue tout ce dont on l’accuse, puis enfin se rétracte. C’est la faute : au regard de la loi ecclésiastique, elle est donc relapse. Le 30 mai 1431, elle est brûlée à Rouen.
Une légende lente à démarrer
1429, 1431 : deux ans à peine pour jouer le drame de sa vie, avec apogée, chute, et martyre final. L’autre pièce peut commencer, elle s’intitule « la légende de Jeanne », près de six siècles plus tard elle n’est toujours pas terminée.
Elle a été lente à démarrer. Dans les années 1450, Charles VII, fort de ses victoires, sûr de son trône, est content de parfaire sa statue de grand homme élu de Dieu, il cède à la demande de la mère de Jeanne et lance, avec l’accord du pape, un procès en réhabilitation de la vierge brûlée. En 1456, très officiellement, un tribunal annule le jugement de Rouen : la bergère est lavée de toute faute, elle n’a pas invoqué à tort la parole de Dieu. Son aura en est magnifiée, seulement elle cesse bien vite de rayonner. Durant trois siècles, la mémoire de Jeanne disparaît, ou presque. Quand on en parle, c’est en mal. On ne la voit passer que dans Henri VI , tragédie historique de Shakespeare, sous les traits d’une sorcière hystérique (il est vrai que Shakespeare est anglais) ; puis dans une épopée burlesque et licencieuse de Voltaire, trop voltairien pour ne pas décocher les flèches de son ironie sur cette petite dinde qui parle au ciel en direct.
Il faut attendre le xix e siècle pour assister au grand retour de la diva, mais quel retour ! Désormais elle occupe toute la scène et ne la quittera plus. Elle est l’héroïne rêvée d’une époque hystérisée par la construction de l’identité nationale et dispose d’un avantage qui manque à tant d’autres personnages : elle a tout ce qu’il faut pour plaire à tous les camps. La droite catholique est folle de la vierge inspirée qui, au nom de Dieu, a sauvé la France et son roi. Et la gauche, derrière Michelet, annexe tout autant la bergère lorraine et patriote, cette Marianne d’avant la République : elle en fait l’incarnation de son acteur historique préféré, le peuple, ce merveilleux peuple sans qui les pauvres rois ne furent que des marionnettes désarticulées. Les deux camps n’auront de cesse de se tirer la bourre. Les cathos jouent de toute leur influence pour arrimer le plus officiellement possible la martyre à leur rive : elle est béatifiée en 1909, et canonisée en 1920. Les républicains ne la lâchent pas pour autant : la fête de « sainte » Jeanne d’Arc sera décrétée « journée du patriotisme ». Au début du xx e siècle, on en est même venu aux mains à son propos : un professeur, Amédée Thalamas, soutient dans son cours que Jeanne « avait cru entendre des voix ». Scandale, blâme du professeur et début d’une affaire qui déchaîne les passions : Jaurès, qui défend Thalamas, ira jusqu’à se battre en duel avec Déroulède, qui le hait, comme toute l’extrême droite. Et cette guerre continuera jusqu’à nos jours. Dans les années 1930, chacun se dispute l’héritage, et elle est célébrée jusqu’en Union soviétique ; pendant la Seconde Guerre mondiale, elle est chérie par la Résistance, qui voit en elle la libératrice du territoire ; et tout autant glorifiée par le régime de Vichy : ses
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