Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
reparti vers son autre moitié de destin. Il devient un simple roi d’Angleterre mais il est plus intéressé par les livres et la prière que par les servitudes de la couronne. Bientôt, il montre des signes de ce cadeau atroce légué par son grand-père français : il devient fou. Sa femme gardera toujours la tête sur les épaules. Celle des autres a moins d’importance à ses yeux, elle en fera tomber plus d’une. Autoritaire, intransigeante, elle devient l’un des hommes à poigne de la période sinistre qui va ravager son pays en cette deuxième moitié du xv e siècle, la « guerre des Deux Roses », conflit terrible pour le pouvoir qui oppose la famille des York à celle qui est devenue la sienne par son mariage : les Lancastres. Au nom de son mari devenu fou et surtout de son fils chéri, elle en tient le destin en main et est prête à tout pour le forcer. À la bataille de Wakefield, elle ne commande que de loin, mais une fois qu’elle apprend que son principal rival, le duc d’York, est pris, elle ordonne qu’il soit décapité et fait planter sa tête sur un piquet devant sa ville pour que chacun apprenne ce qu’il en coûte de s’en prendre à la reine et aux Lancastres. Par la suite, elle mènera elle-même ses armées, ne négligeant jamais au passage de piller et de saccager les régions hostiles à son camp. Finalement, son parti perdra l’ultime bataille (Tewkesbury, 1471), son fils de dix-sept ans y sera tué et elle sera faite prisonnière. Elle le restera jusqu’à ce que son cousin Louis XI la rachète pour la faire venir en France où elle mourra oubliée. C’est dommage. Cruauté, intransigeance et pulsions sanguinaires, tout cela est peu lourd, dira-t-on, pour faire de cette femme un portrait flatteur. Notons tout de même que dans les livres d’histoire, cela suffit largement pour faire des hommes des héros.
Christine de Pisan
Michelet, Jaurès, Anatole France, Charles Péguy, Schiller, Bernard Shaw, Bertold Brecht. Que d’hommes pour chanter les louanges de notre Jeanne d’Arc et écrire sur elle ! De son vivant, une femme avait, la première, travaillé à sa gloire littéraire, un grand esprit du xv e siècle dont il est précieux aussi de raviver le souvenir : Christine de Pisan (1363-1434). Fille d’un médecin astrologue de Venise, elle arrive en France avec son père, qui entre au service de Charles V. Elle épouse un petit noble qui meurt alors qu’elle est encore très jeune. Elle a trois enfants à élever, elle doit vivre, elle sera une des premières d’Europe à embrasser une carrière rare quand on n’est pas un homme : elle vivra de sa plume. Elle écrit des poèmes d’amour, des ouvrages de toutes sortes. Certains, comme La Cité des dames (1405), sont toujours étudiés aujourd’hui, car on y lit une première tentative de lutte contre les stéréotypes dont sont victimes les individus de son sexe. Sa dernière œuvre sera son Ditié de Jeanne d’Arc , une défense en vers de la Pucelle qui sauve le royaume, écrite en 1429, au tout début de l’épopée johannique.
On doit aussi à Christine de Pisan cette citation qui indique sa hauteur d’esprit, et son avance sur son temps :
« Si la coustume estoit de mettre les petites filles a l’escole, et que communement on les fist apprendre les sciences comme on fait aux filz, elles apprendroient aussi parfaitement et entendroient les subtilités de toutes les arts et sciences comme ils font. » Le raisonnement est imparable, on peut même l’appliquer à notre sujet : si, dans les écoles, on avait appris depuis longtemps la place éminente de nombreuses femmes dans l’histoire au lieu de la limiter au destin d’une seule, le pays tout entier y aurait gagné beaucoup.
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Louis XI
Ou comment on agrandit un royaume
C’est un des charmes de la monarchie, les rois se suivent et ne se ressemblent pas. Charles VII ne se ressemblait même pas à lui-même : deux hommes si différents ne se succèdent-ils pas sous ce même nom ? On vient de voir passer dans notre histoire le « gentil dauphin » que vient trouver Jeanne d’Arc, ce « petit roi de Bourges », faible, pusillanime, qu’elle réussit presque contre son gré à mener à Reims. Les vertus de l’onction sacrale dépassent ses espérances. La cérémonie enclenche un long processus de métamorphose du roi. Voici peu à peu apparaître « Charles VII le Victorieux » – ce sera son surnom officiel –, le
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