Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
L’aristocratie anglaise se sent irrémédiablement liée au riche fief d’origine de la reine Aliénor. Richard II, petit-fils d’Édouard III et qui, comme lui, sera roi d’Angleterre, est né à Bordeaux. Les troupes menées par son père, le terrible Prince Noir, ces troupes que l’on appelle « anglaises » dans les livres, celles qui ravagent les terres du roi de France ou gagnent contre lui d’éclatantes victoires (comme à Poitiers), sont majoritairement gasconnes. Toute la population et toute la noblesse du Sud-Ouest sont fidèles aux Plantagenêts et le seront jusqu’au bout. Quand, en 1451, Charles VII prend Bordeaux, les habitants ne peuvent accepter de se soumettre à ces Français honnis. Ils font appel à Talbot, le vieux chef de guerre anglais, pour les en délivrer. Charles VII, après la bataille du Castillon qui scelle sa victoire définitive et la fin de la guerre de Cent Ans, doit reprendre la ville par le fer. Il y fait construire deux forteresses peuplées d’hommes en armes : il n’y a que par la force que les Bordelais accepteront enfin d’apprendre peu à peu à quel camp désormais ils appartiennent.
En histoire, une autre vérité est toujours possible
Les Bordelais auraient préféré rester anglais. Bien d’autres sujets du royaume aussi, sans doute, comment le savoir ? On n’en parle jamais. Osons en leur mémoire poser cette question : avaient-ils vraiment tort ? Nous voilà enfin au cœur du sujet qui fâche. Pour quasiment tous les Français amateurs d’histoire, une seule vérité existe : grâce à l’intervention de Jeanne d’Arc qui renverse le cours des choses, la guerre de Cent Ans se termine en un happy end qui est à lui seul un miracle pour notre pays. Charles VII, le seul vrai roi de France légitime, est sur le trône, les occupants sont chassés, leur « honteux traité de Troyes » est déclaré caduc, la France est libre et sauvée. Affrontons ces points les uns après les autres.
Passons rapidement sur la légitimité de Charles VII. Oublions les soupçons de bâtardise que l’on trouve dans quelques livres, on l’a dit, plus aucun historien n’en fait état. L’homme est donc un authentique Valois qui devient, comme c’est la règle, le dauphin à la mort de ses frères aînés. En quoi devrions-nous pour autant, à l’heure où nous sommes, continuer à accepter comme naturelle la légitimité de la branche tout entière ? Rappelons que les Valois sont arrivés au pouvoir, à la mort du dernier des fils de Philippe le Bel, au nom d’un principe sacré : il ne fallait pas qu’une femme (Isabelle, mariée au roi d’Angleterre), quelle horreur !, puisse accéder au trône ou simplement transmettre à son fils le droit d’y accéder. Françaises, Français, répondez en conscience : est-ce là un argument recevable ?
Pour appuyer sa candidature au trône, Charles reçut, d’une autre femme il est vrai, des assurances haut placées : Dieu lui-même était de son côté, c’est le message qui lui avait été apporté par la célèbre petite bergère de Domrémy. Qu’est-ce que Dieu pouvait bien avoir contre ces pauvres Anglais ? La Pucelle elle-même posa la question lors de son procès de Rouen. La réponse, pour elle comme pour nous, restera un mystère. Toujours est-il que ce soutien divin à l’ex-petit roi de Bourges lui fut d’un grand secours auprès des populations, et qu’il fut attesté par des gens très bien : Jeanne d’Arc fut officiellement réhabilitée par un tribunal ecclésiastique, puis béatifiée, puis canonisée (en 1920) par l’Église universelle. Pour tous les catholiques du monde, le choix est donc simple, pour ne pas dire obligatoire : Charles VII est le souverain incontestable. Mais pourquoi le serait-il pour ceux qui ne le sont pas ?
On me dira que ce petit jeu est assez vain. Admettons que la légitimité du Valois ne pèse pas lourd. Celle de son rival ne tient guère mieux, c’est le problème. Henri V entendait renouveler les prétentions au trône de France d’Édouard III et de sa mère Isabelle de France, mais il n’en descendait que par une branche cadette : son père, Henri Bolingbroke, était devenu le roi Henri IV à la suite d’un coup d’État, en chassant du trône Richard II. En Angleterre, le camp opposé à sa famille, les Lancastre, le tenait donc pour un usurpateur. Par ailleurs, en tant que laïque, on aurait grand tort de se jeter du côté du
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