Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
c’est dommage. Alors essayons ici au moins de redresser la barre. Sans entrer dans les détails riches et complexes de l’histoire de la condition féminine en général, citons simplement quelques contemporaines de Jeanne d’Arc dont l’histoire est liée à la sienne et dont il est trop injuste que l’on parle si peu.
Yolande d’Aragon
Que serait devenu le pauvre Charles VII, incertain roi de Bourges, sans l’énergie de sa divine petite bergère ? Voilà ce que nous disent les manuels. Quel dommage qu’ils oublient le rôle essentiel qu’une autre femme a joué à ses côtés : sa belle-mère, Yolande d’Aragon (1381-1442).
Née en 1381, fille du roi d’Aragon, mariée à Louis d’Anjou, par son lignage, par ses héritages, à des titres divers, elle a des droits sur Chypre, Jérusalem, la Sicile et l’Aragon, ce qui lui vaut parfois le beau surnom de « reine des quatre royaumes ». En fait, elle vouera sa vie à assurer le destin de la famille de son mari, les Anjou. En 1413, elle organise le mariage de sa fille Marie au troisième fils de Charles VI et Isabeau de Bavière. Dans l’absolu, c’est un rang bien mineur. La réalité peut être plus chanceuse. L’aîné des fils du roi de France meurt en 1416, le deuxième en 1417. Voilà donc notre petit troisième, par élimination en quelque sorte, dauphin en titre. On s’en souvient, ses relations avec sa mère Isabeau de mauvaises deviennent détestables : ne l’a-t-elle pas clairement déshérité au traité de Troyes ? Peu importe, Yolande est là, seconde mère qui le soutient, le conseille, et le protège même physiquement, dit-on : en ces temps troublés, les empoisonnements étaient toujours possibles. C’est elle qui, par ses relations familiales en Lorraine, entend parler la première de cette pucelle inconnue qui parle à Dieu. C’est elle, selon de nombreux historiens, qui organise son arrivée à Chinon, qu’elle a voulu triomphale. Elle qui supervise l’enquête menée sur la belle ; elle qui décide le roi à accepter cette jeune inconnue qui lui fait peur ; elle qui trouvera le financement de l’armée qui va délivrer Orléans. Si Jeanne d’Arc a été l’héroïne du plus réussi des reality shows de notre histoire, Yolande d’Aragon en fut la productrice.
Son rôle politique ne s’arrête pas à cela. Elle est la grande négociatrice de l’alliance si essentielle avec le duc de Bretagne, elle appuie le rapprochement avec les Bourguignons, qui sera l’atout maître de la victoire finale. Sans Jeanne d’Arc, Charles VII aurait sans doute connu un triomphe moins romanesque, moins éclatant. Sans Yolande, il aurait simplement perdu. Louis XI, fils de Charles VII et donc petit-fils de notre héroïne, dit plus tard qu’elle avait « un cœur d’homme dans un corps de femme ». Dans sa bouche, et dans le contexte, il faut prendre la formule comme un grand compliment.
Marguerite d’Anjou
Jeanne en armure, Jeanne à la tête des troupes, Jeanne combattant, Jeanne blessée d’un carreau d’arbalète devant Paris, maniant l’épée, faisant tirer les bombardes. Nous avons tous l’idée qu’il était si extraordinaire pour une femme de diriger des armées que c’est pour cette raison que notre pucelle fut contrainte au travestissement. Erreur. On ne sait trop pourquoi la bergère prisa tant les habits d’homme : officiellement, c’était pour assurer sa sécurité dans un monde d’hommes. Certains chroniqueurs de l’époque rappellent aussi avec candeur que, pour se protéger des mêmes ardeurs masculines, Jeanne aimait également dormir avec des femmes, surtout si elles étaient jeunes et jolies… Glissons pudiquement sur un point qui est encore un des grands tabous de l’historiographie, et revenons-en à l’autre. Les femmes chefs de guerre ne furent pas si exceptionnelles durant le Moyen Âge. Citons au moins un exemple contemporain de la période qui nous occupe, et lié de près à notre sujet : Marguerite d’Anjou (1429-1482).
Elle est fille de René d’Anjou, et donc petite-fille de Yolande d’Aragon, dont nous venons de parler. En 1445, à seize ans, elle épouse un personnage qui ne nous est pas inconnu : Henri VI, le fils d’Henri V d’Angleterre et de Catherine de Valois, le grand ennemi de Charles VII et de Jeanne d’Arc, donc. C’est lui qui devait être « double monarque », roi de France et d’Angleterre. Après sa défaite continentale, il est
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