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Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises

Titel: Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Reynaert
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ennemis n’étaient-ils pas les perfides Anglais ? Si, peu à peu, malgré les défilés annuels de l’extrême droite à l’ombre d’une de ses statues à Paris, et le travail des républicains pour ne pas laisser au sectarisme cette prise de choix, la bataille idéologique s’estompe, quelle importance ? On trouve moyen de parler d’elle, encore et toujours. Voyez ces livres, ces films qui n’en finissent plus de grossir les interminables rayonnages qui lui sont consacrés dans les bibliothèques. Quand la grande histoire ne suffit plus, on se replie sur la petite, on ressort la énième version des thèses les plus farfelues à son sujet : elle ne serait pas morte sur le bûcher, elle aurait survécu, d’ailleurs ce ne serait pas une bergère mais la fille cachée d’un roi. Vit-elle dans une île avec Lady Diana et Elvis Presley ? On nous le dira un jour. Ça ne fait jamais que près de six cents ans que reviennent périodiquement toutes les élucubrations possibles et imaginables, on voit mal pourquoi le cours s’en arrêterait.

    D’autres femmes
    Oui, pour toutes les raisons que l’on vient d’évoquer, Jeanne d’Arc est, à proprement parler, une star . Justement : essayons pour une fois de parler de l’effet secondaire navrant d’un tel phénomène. Elle est la femme la plus connue de notre panthéon historique, cela voudrait-il donc dire qu’il n’y en a vraiment pas d’autres qui méritent d’y entrer ?
    Oublions ces gloires un peu anecdotiques qu’elle a éclipsées de son vivant : ses consœurs en visions. On l’ignore souvent, en effet, il y eut, au début du xv e  siècle, bien d’autres Jeanne d’Arc, bien d’autres prophétesses à qui Dieu avait parlé. Toutes les époques écrasées par les conflits, la misère, les épidémies, comme ces tristes temps de la guerre de Cent Ans, ont connu les leurs. Quand les temps sont durs, Dieu parle beaucoup, ou, pour dire les choses autrement, quand les malheurs semblent insurmontables, beaucoup croient soudain ceux à qui Dieu a parlé. Des Jeanne d’Arc, il y en eut par dizaines. On trouve par exemple dans la chronique la trace d’une certaine Jeanne-Marie Maillé, qui elle aussi entendit des voix : elles dénonçaient les vices de la Cour. Une Pierronne la Bretonne, comme notre Lorraine après elle, s’en prend aux Anglais. Elle est également brûlée, un an avant l’autre, en 1430. On cite aussi une Catherine de La Rochelle qui a des visions, part sur les routes pour aller trouver le roi et lui en parler, et croise sur son chemin un gros malheur : la vraie Jeanne d’Arc, en personne, a été envoyée à sa rencontre. Elle est déjà en place et c’est elle que l’entourage du roi a chargée d’examiner cette concurrente. On imagine avec quelle bonne grâce elle s’est prêtée à l’exercice. Jeanne déclarera évidemment sa rivale complètement folle et appuiera son jugement sur des critères indiscutables : ce sont sainte Catherine et sainte Marguerite, à qui elle a posé la question, qui l’en ont assurée.
    Combien d’autres gloires de son sexe notre Jeanne a-t-elle éclipsées qui ne méritaient pas cela ? Venons-y enfin. C’est là, à mon sens, le grand défaut de notre héroïne nationale, même si elle n’en est pas responsable, évidemment : le tort qu’elle a porté à l’histoire des femmes. Passons sur les ambiguïtés de son personnage, de ce point de vue. Pucelle inspirée, sans vie amoureuse connue, tout entière vouée à la cause qu’elle défend, elle est un peu la Vierge Marie de l’histoire de France, une créature si atypique, si déshumanisée dans sa perfection mièvre qu’elle avait tout pour devenir ce qu’elle est devenue : l’alibi féminin, le cache-sexe, si l’on peut dire, d’une histoire par ailleurs entièrement écrite par les hommes et dominée par les hommes. J’exagère un peu le propos : d’autres caractères féminins sont présents depuis longtemps dans nos manuels et notre mythologie nationale. Pour en rester au Moyen Âge, on rappellera les noms de sainte Geneviève, qui défendit Paris devant Attila, ou de Blanche de Castille, mère de Saint Louis, régente du royaume au temps de l’enfance du roi. Quarante ans après la mort de Jeanne d’Arc, en 1472, une autre Jeanne devient célèbre pour avoir défendu Beauvais contre les assauts des troupes bourguignonnes de Charles le Téméraire : Jeanne Hachette. Cela fait peu de noms, toutefois, et

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