Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
l’empereur) » – et il mourra en exil. Pétrarque, après lui (1304-1374), est aussi dans le tourment du temps, c’est parce que son père suit les papes dans leur exil en Avignon qu’il passe de nombreuses années en Provence. Mais combien d’autres génies, après eux, feront carrière sous la protection des princes italiens ou du pontife romain, et quelle époque et quel pays peuvent se targuer d’en avoir enfanté autant ? Dites Florence, situez-vous à peu près entre 1450 et 1550 et soyez éblouis par la moisson que vous allez faire, en comptant simplement ceux qui y ont vécu, ou au moins y ont travaillé un temps : Botticelli y est né (en 1445), le sculpteur Donatello y est mort (1466) et quand un jeune peintre nommé Raphaël, venu de sa petite ville d’Urbino, y passe, c’est pour y recevoir des leçons d’un Michel-Ange (1475-1564) ou d’un Léonard de Vinci (1452-1519). On peut en dire autant de Rome, de Venise, de Milan.
Tout change à l’époque grâce à ce foisonnement. Jusque-là, l’artiste était un modeste artisan. L’Italie en fait un être à part que l’on célèbre. Michel-Ange aura droit à des funérailles d’empereur.
En outre, le trecento et le quattrocento italiens – c’est-à-dire les années treize cents , et les années quatorze cents , soit les xiv e et xv e siècles – sont au centre du grand mouvement de redécouverte de l’Antiquité qui bouleverse les repères culturels. Les Byzantins, chassés d’Orient par la conquête de leur vieil empire par les Turcs, apportent avec eux des manuscrits grecs que l’on redécouvre. On réapprend cette langue qu’on ne parlait plus. Les érudits plongent dans des textes et on les appellera pour cela des humanistes – du latin humanus , instruit, cultivé. Pour nous, le mot a un autre sens, qu’il a pris un peu plus tard : l’humaniste est celui qui croit en l’homme. La Renaissance nous a appris avec quel naturel on pouvait passer d’un sens à l’autre : ce sont bien ces érudits plongés dans les Grecs et les Latins qui ont redonné foi en l’espèce humaine. Les papes engagent à Rome de gros travaux de rénovation de leur ville et de leurs palais et, grâce aux excavations, ressortent des profondeurs de la terre des statues incroyables dont l’esthétique éblouit. En redécouvrant les merveilles antiques, on en vient à détester les « âges obscurs » dont on sort, ce monde gothique qui soudain sent le sombre, l’humide, le vieux.
Humanisme et contradictions
Oui, tout doit être neuf, soudain, et tant d’autres découvertes, dans tant d’autres endroits d’Europe, poussent elles aussi au changement. Dans les années 1440, à Mayence, un certain Gutenberg a mis au point le caractère mobile qui sert à reproduire des livres que l’usage du papier chiffon rend peu chers. En réalité, l’imprimerie et le papier sont des inventions chinoises, comme tant d’autres. Peu importe : cette « ré-invention » bouleverse la diffusion de la connaissance en Occident, et ravit les lettrés du temps, ces humanistes dont on vient de parler.
En 1492, comme chacun s’en souvient, un certain Christophe Colomb, aventurier génois au service d’Isabelle, reine de Castille, prend la mer dans l’espoir de trouver une nouvelle route maritime vers les Indes et, sans jamais s’en rendre compte, trouve mieux : un Nouveau Monde qui bouleverse les représentations de la terre que se faisait l’Ancien.
Bientôt, dans les années 1520, un petit moine allemand, Luther, va provoquer un schisme qui ébranlera la forteresse catholique déjà très lézardée et poussera la vieille religion chrétienne à entamer enfin sa réforme.
Tant d’innovations enthousiasment, bien des esprits du temps nourrissent de grandes espérances. Pour témoigner du climat mental de l’époque, l’historienne Janine Garrisson 1 cite en exemple la leçon inaugurale au Collège de France prononcée en 1534 par Barthélemy Latomus, un ami du grand Érasme : « Tous nous espérons voir à bref délai […] un âge nouveau, la concorde entre les nations, l’ordre dans les États, l’apaisement religieux, en un mot la félicité d’une vie heureuse et l’afflux de toutes les prospérités. » Voilà ce dont on rêve, au début du xvi e siècle. On ne nous dit pas combien de temps il fallut pour déchanter.
C’est le problème. Dans tous les manuels, la Renaissance est toujours présentée comme on vient de le
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