Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
faire : on parle de l’efflorescence culturelle italienne, on énumère les bouleversements techniques et on débouche sur les grandes espérances qu’ils ont ouvertes. Le seul mot de Renaissance n’est-il pas beau comme le printemps, ne fait-il pas venir des images de rêve, les toiles de Botticelli, les inventions géniales de Léonard de Vinci, les fastes des cours princières, la beauté des châteaux de la Loire ? Il ne faut pas aller bien loin dans le même manuel pour tomber du haut de ce paradis dans l’enfer des désillusions. Dans tous les livres – comme dans le nôtre, nous le verrons bientôt –, les chapitres qui suivent ne parlent plus que d’horreurs : les interminables conflits entre François I er et Charles Quint, les monstrueuses guerres de Religion, l’écrasement des Amériques sous la cupidité des conquistadors. Personne n’aurait l’idée de taire ces moments effroyables de l’histoire, évidemment. Il est frappant que si peu cherchent à faire le lien entre eux et les grands moments de raffinement dont ils ont dû parler quatre pages auparavant. Y en a-t-il un à faire ? Et lequel ? Je ne sais trop. Après tout, c’est le fait de toutes les périodes que d’allier une face sombre à une face claire. Quel moment de l’histoire du monde échappe à cette dichotomie ? Il en est peu, toutefois, où le blanc et le noir sont aussi liés, où cette contradiction se marque aussi nettement.
Génocide indien et guerres de Religion
Qu’est-ce que le xvi e siècle ? On vient d’en parler. C’est la belle aventure des caravelles qui partent à la découverte d’un monde nouveau, c’est aussi l’asservissement ou l’anéantissement des millions d’individus qui y vivaient. C’est la Réforme, noble volonté de secouer un christianisme sclérosé, c’est aussi le sectarisme meurtrier à l’œuvre lors des guerres religieuses. Allons plus loin. Qu’est-ce que la Renaissance ? Ce sont les humanistes , dont on a parlé, qui apportent un vent de liberté sur la pensée, ce sont des lettrés qui transcendent les frontières, c’est Érasme, prince de la « république des lettres », qui, depuis la Suisse où il a élu domicile, communique avec tous les grands esprits de son temps ; ce sont ces princes lettrés comme notre grand François I er , qui aiment tant l’art et les artistes. Ce même roi est aussi celui qui fait naître l’absolutisme, c’est-à-dire le rétrécissement de toute liberté au profit du pouvoir du seul monarque. Ce siècle est aussi celui qui voit se former les prémisses de l’esprit national si fermé quand on le compare au cosmopolitisme espéré. Tout est duel en ce temps. Jusqu’au rapport au corps, auquel on songe moins. Avec la redécouverte de l’esthétique gréco-romaine, la Renaissance dans l’art semble oublier de vieilles pudeurs et célèbre le corps de l’homme ou de la femme dans toute sa splendeur : voyez la magnifique Vénus de Botticelli ou le sublime David de Michel-Ange. Si l’on en croit l’historien Eugen Weber 2 , les crispations religieuses aboutissent aussi au renforcement pour les individus d’un puritanisme étroit que le Moyen Âge ne connaissait pas : tous les bains publics qui existaient depuis des siècles dans presque toutes les villes européennes sont supprimés au xvi e . On a soudain trop peur de ce qui peut s’y passer. Du coup on ne se lave plus, il faudra attendre le xix e siècle, nous dit l’historien, pour que l’Europe retrouve le sens de l’hygiène, et ce détail nous laisse, nous autres, avec ce paradoxe : quel drôle de siècle, tout de même, qui à Naples fleurait bon le jardin, et finit par sentir soudain si mauvais.
L’horreur de l’Inquisition espagnole
Citons encore un exemple, le plus frappant à mes yeux : l’Inquisition espagnole, cette folie policière qui s’empare de tout un pays à partir de la fin du xv e siècle, au moment de l’aboutissement de la Reconquista : la reconquête , par les Rois Catholiques, du Sud de l’Espagne sur les derniers émirs, chassés de Grenade en 1492. Après huit siècles d’Andalousie arabe, la population du royaume est très mêlée. Nombreux sont les Juifs et les musulmans. Ceux qui veulent rester fidèles à leur Dieu seront bien vite expulsés avec brutalité. Seulement, parmi ces populations, beaucoup ont choisi – souvent sous la contrainte – la conversion. Ces conversos , ou « nouveaux chrétiens », se
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