Nostradamus
donc
personne ?
– De par le roi ! cria de son côté
Roncherolles très fort.
– On ne répond pas. Il s’agit de monter
là-haut. Nous y trouverons le sacripant, et tu lui mettras la main
au collet.
Chacun d’eux voulut prouver à l’autre qu’il
était plus fort que la peur ! Ils montèrent.
En haut, personne. Leur terreur s’évanouit.
Trois portes s’ouvraient sur la salle où ils se trouvaient. Celle
du milieu donnait sur la chambre où ils avaient vu jadis Marie
endormie.
Au même instant, tous deux furent pétrifiés.
La terreur qu’ils oubliaient rentra dans leurs esprits exorbités.
Ils n’eurent pas la force de se sauver. Ils se sentirent
prisonniers de l’horreur, et, dans un souffle,
bégayèrent :
– Marie de Croixmart !…
Elle était debout. Elle portait les mêmes
vêtements de deuil qu’elle n’avait pas voulu quitter, même la nuit
du mariage. Seuls les cheveux gris eussent dénoncé les années qui
pesaient sur ce front ; mais un voile noir la cachait. C’était
bien elle ! Ils se sentirent devenir fous.
À ce moment, ils éprouvèrent comme un choc
terrible : le spectre parlait !… Et voici ce qu’il
disait :
–
Marie de Croixmart est morte.
Vous le savez bien, Gaétan de Roncherolles, Albon de Saint-André.
Elle est morte, puisque vous l’avez assassinée. Et je vais vous le
prouver.
Le spectre commença à descendre
l’escalier.
– Venez ! dit le spectre en se
retournant.
Ils se mirent en route, d’une secousse. De
toutes leurs forces, de toute leur volonté, ils essayèrent de
résister. Mais ils suivirent, toujours se tenant par la main,
enchaînés l’un à l’autre par la même horreur, comme ils l’avaient
été par le même crime.
Le spectre franchit la porte de la rue :
ils la franchirent. Et, derrière eux, la porte se referma. Lagarde
et ses deux compagnons les virent passer. Lagarde voulut s’élancer.
Mais il les vit si mornes, si décomposés, qu’il s’arrêta frappé de
stupeur. Il eut la sensation qu’il se passait quelque chose
d’effroyable, et, de loin, il suivit le groupe fantastique.
Le spectre arriva au cimetière des Innocents
et y entra. Le grand-prévôt et le maréchal entrèrent… Lagarde
regardait.
– Elle va au tombeau ! râla le
grand-prévôt.
– Oui. À son tombeau ! souffla le
maréchal.
Le spectre atteignit la tombe. Les deux damnés
s’arrêtèrent à dix pas. Ils étaient résolus à mourir plutôt qu’à
faire un pas de plus. Cette idée que le spectre les avait attirés
là
pour les faire entrer
VIVANTS DANS LA MORT, leur
tenaillait le cerveau.
– Pas un pas de plus,
Saint-André !
– Non ! Si elle nous appelle,
tue-moi, Roncherolles !
Le spectre se retourna vers eux. Ils voyaient
distinctement son visage que les clartés de la lune faisaient plus
pâle. Alors le spectre leur parla. Il disait :
– Marie de Croixmart est morte. Pourquoi
l’avez-vous appelée ?
Je suis morte.
Vous le savez.
J’ai été tuée par vous. François ne fut que le poignard qui frappe.
Vous fûtes la pensée qui tue. Je suis donc morte, et voici ma
tombe… Écoutez ce que votre maître Henri a fait graver sur la
pierre :
Ici repose Marie… Puisse-t-elle, du haut des
cieux, pardonner à ceux qui l’ont tuée… Les vivants se chargent de
la venger.
Ils étaient âgés. Le spectre, d’une voix
sourde, reprit :
–
Puisse-t-elle pardonner à ceux, qui
l’ont tuée !
Écoutez, vous qui m’avez tuée ! Cette
prière est vaine. Je n’ai point pardonné ! Je ne pardonnerai
jamais !…
Presque aussitôt, sa voix devint un cri
terrible :
– Les
vivants se chargent de me
venger !…
Dans le même instant, le spectre disparut.
– Elle est rentrée dans la tombe !
dit Saint-André.
– Rentrée chez les morts ! dit
Roncherolles.
Alors, lentement, ils arrivèrent à la porte du
cimetière. Là, ils trouvèrent Lagarde qui voulut hasarder une
question. Mais ils ne répondirent pas.
– Ils sont possédés du diable !
grommela le baron.
Pensif, il les regarda s’en aller d’un pas
titubant.
Lagarde et ses deux hommes coururent à la
maison de la rue de la Tisseranderie ; ils trouvèrent la porte
entr’ouverte. Ils entrèrent, visitèrent la maison. Ils ne
trouvèrent personne ; ni le géant, ni Le Royal de
Beaurevers.
V – MARIE DE CROIXMART
Après avoir lancé son imprécation, Marie avait
contourné le tombeau, et, à bout de force, elle s’était abattue
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