Nostradamus
traqué ! Vous ne
vous en irez pas !
– Il le faut. Et quant à ceux qui me
poursuivent, le mieux qui puisse leur arriver, c’est de ne pas me
rencontrer. Au surplus, il faut tôt ou tard que cela ait une
fin.
Marie de Croixmart, en proie à une exaltation
mystérieuse, lui saisit la main, hésita, balbutia, puis, tout d’un
coup :
–
Avez-vous connu votre
mère ?…
– Oui, dit simplement Beaurevers. Elle
s’appelait Myrtho. Elle habitait dans la Cour des Miracles. C’est
là, que j’ai été élevé. Vous voyez, je suis un homme de sac et de
corde. On me l’a dit, le métier que j’exerce est plus horrible
encore que le métier du grand-prévôt…
Marie de Croixmart laissa tomber ses bras
découragés.
– Sa mère s’appelait Myrtho,
murmura-t-elle. Chimère de mon cerveau !… Dites-moi, mon
enfant, alors, cette femme qui était avec nous dans les ruines de
l’auberge…
– Myrta ?…
– Oui. Vous êtes son frère ?… fit
Marie palpitante.
– Bonne Myrta. Oui, madame, je suis son
frère…
Marie de Croixmart secoua la tête et
murmura :
– Ressemblance ? Rêve !… Et
puis, quand même il y aurait ressemblance ?… Est-ce la
première fois que les traits d’un visage répètent Vaguement les
traits d’un autre visage ?…
Elle sortit de la chambre. Le Royal de
Beaurevers s’habilla. Dans la salle du bas, il trouva la Dame sans
nom.
– Merci, de votre hospitalité, de votre
baume, et adieu.
Les mains jointes, d’une voix de caresse, elle
implora :
– Vous reviendrez, n’est-ce
pas ?…
– Je ne crois pas, fit-il
brusquement.
Marie baissa la tête et ses larmes coulèrent…
Le Royal, à la porte, hésita. Ces larmes lui faisaient mal.
Brusquement, d’un bond, il fut près d’elle, lui saisit les deux
mains, se Courba, baisa ses mains diaphanes, et, sanglotant, sans
savoir pourquoi :
– Eh bien, oui, oui ! Je reviendrai,
je vous le jure ! Et il s’élança au dehors…
Chapitre 14 RECRUES À L’ESCADRON.
I – GARDES DU CORPS
Si le lecteur a oublié peut-être que Le Royal
avait donné rendez-vous chez Myrta à Bouracan, Strapafar,
Corpodibale et Trinquemaille, eux n’avaient garde de l’oublier.
Ils arrivèrent donc rue des Lavandières.
Lorsqu’ils furent arrivés, ils demeurèrent consternés, n’en pouvant
croire leurs yeux. Mais il fallait bien se rendre à
l’évidence ; il n’y avait plus d’auberge !
Les quatre estafiers songèrent à s’informer
des moyens de retrouver Beaurevers. Trinquemaille, que son
caractère onctueux et papelard appelait aux délicates missions, fut
délégué vers un bourgeois ventru et congestionné, lequel, établi
tripier et marchand de rogatons à quelques pas de l’auberge, avait
tout vu et pour la septième fois depuis le matin, recommençait le
récit de l’incendie.
Notre bourgeois avait réellement tout vu.
Sollicité par Trinquemaille et enchanté de trouver un auditeur de
bonne, volonté, il recommença une huitième fois son poème.
Lorsqu’il eut terminé, Trinquemaille était pâle et tremblant.
– Mes enfants, nous sommes perdus, dit-il
à ses acolytes.
– Quoi ? Qu’est-ce qui se
passe ?
– Le Royal est mort ! Attaqué par
une bande de ruffians du guet, il s’est enfermé dans l’auberge, à
laquelle il a mis le feu plutôt que de se rendre vif. Honneur à sa
mémoire !
Ils se regardèrent et se firent pitié les uns
aux autres. Pour la première fois de leur vie, ils connaissaient la
douleur. Et cette douleur n’était pas seulement sincère, elle était
désintéressée.
Désemparés, ils partirent pour aller à
l’aventure. À ce moment, Trinquemaille se sentit arrêté par le
manteau :
– Myrta !…
– Chut ! Et suivez-moi tous
quatre.
Ils suivirent, le cœur battant. Myrta les fit
entrer dans le logis de la
Dame sans nom,
où, la Margotte,
stylée par Myrta, leur servit d’un certain vin, qui suscita en eux
une véritable vénération. Et alors, Myrta :
–
Il n’est pas mort !…
Pas mort ! Ils en ouvrirent des yeux
féroces. Mais tout aussitôt, se poussant du coude, haussant les
épaules et souriants, bien que les voix éraillées fussent un peu
tremblantes :
– Je le disais, té ! Il ne pouvait
mourir comme ça !
– Palsambleu ! je disais que saint
Pancrace ne pouvait s’être ainsi comporté envers Le Royal de
Beaurevers !
– Jo lo disais. La prima spada du monde
et d’ailleurs !
– C’hallais le tire.
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