Nostradamus
refuge,
venez me trouver. » Voilà le refuge. Allons chez la
Dame
sans nom.
Myrta fit le signe de croix, apeurée.
– J’ai bien pu le sauver des estafiers de
Roncherolles, murmura-t-elle, mais comment pourrai-je le sauver de
ce spectre qu’on a vu rôder dans le cimetière des
Innocents ?…
II – LA MAISON DE LA RUE DE LA
TISSERANDERIE
Le Royal de Beaurevers se leva en se
cramponnant aux murs.
– Appuyez-vous sur moi, dit Myrta.
Seigneur, vos blessures sont peut-être bien dangereuses ?
– Non, ma bonne Myrta. La tête me tourne,
voilà tout.
Il monta les marches, franchit les décombres,
mais là il fut forcé de s’asseoir.
– Va, Myrta, va frapper à la porte de la
bonne dame…
Il ferma les yeux et se renversa en arrière.
Presque aussitôt, il commença à délirer… Éperdue, Myrta franchit la
rue et heurta le marteau de fer ; la porte s’ouvrit dès les
premiers coups ; un homme parut, de colossale stature, barbe
grise ; il portait une lanterne.
– Que voulez-vous ? demanda-t-il
rudement.
– Aide et secours.
– Pour qui ? fit derrière l’homme
une voix douce.
Et la Dame sans nom s’avança. Myrta n’avait
plus peur.
– Pour un jeune homme à qui vous avez
promis assistance.
– Son nom ?
– Le Royal de Beaurevers.
– Conduisez-nous, dit la Dame. Venez, mon
bon Gilles.
Le colosse que la dame avait nommé Gilles
traversa la rue, guidé par Myrta. Il enleva Le Royal comme il eût
fait d’une plume. Le Royal délirait, et, dans son délire, il
disait :
– Le geôlier ! Voici le
geôlier !…
Celui qui s’appelait Gilles s’arrêta
court.
La Dame s’avança. Elle jeta un regard sur Le
Royal.
– C’est le jeune homme qui nous tira une
nuit des mains des spadassins. Il y a eu bataille aujourd’hui en
cette auberge. Est-ce donc à lui que le grand-prévôt en
voulait ?
– Oui, madame, dit Myrta.
– Il serait dangereux, reprit la dame, de
le faire entrer Chez moi. Peut-être saura-t-on qu’il n’est pas
mort, si on fouille ces décombres. Peut-être voudra-t-on le
chercher dans toutes les maisons voisines. Mais où le
conduire ?
Elle parut repousser une pensée,
puis :
– Soit ! murmura-t-elle. Je puis
bien rentrer là-bas, puisque c’est pour sauver une créature qui m’a
sauvée. Je le dois. Ce jeune homme est-il votre parent ?…
– C’est mon frère, madame ! dit
Myrta en soupirant.
– Un frère ! murmura la dame. Que
n’ai-je un frère, moi !… Écoutez. Vous allez rester chez moi
avec la Margotte. Il faut que les abords de l’auberge incendiée
soient surveillés. Quant à votre frère, je vais le mettre en
sûreté. Gilles vous en donnera des nouvelles. Allons, Gilles, en
route !
Myrta courba le front. La créature suspecte
lui apparaissait comme un ange… Myrta entra dans la maison. La Dame
sans nom se mit en chemin, portant la lanterne. Gilles suivait,
tenant dans ses bras Le Royal de Beaurevers. La Dame marchait d’un
pas ferme. À mesure qu’elle avançait, son visage pâle devenait plus
blanc. Mais elle ne ralentit pas sa marche.
Ils arrivèrent rue de la Tissanderie…
– C’est là ! murmura la Dame en
s’arrêtant devant une maison.
Ce fut sur cette porte le regard de deux yeux
angoissés.
La Dame ouvrit avec une clef suspendue à son
cou. Et elle entra dans la maison de la rue de la
Tissanderie !…
Gilles entra à son tour, referma soigneusement
la porte. Au fond de la salle basse, ils montèrent un escalier. La
Dame alluma des flambeaux. Gilles déposa Le Royal de Beaurevers sur
un lit. La lumière éclaira le fin visage de Beaurevers et le mit en
relief… Et la Dame sans nom contempla cet inconnu !…
III – DEUX VIEUX AMIS
À l’hôtel de la grande-prévôté, dans une vaste
salle à manger d’une sévère magnificence, Roncherolles et
Saint-André avaient soupé tête à tête.
Après le souper, Roncherolles fit apporter les
vins d’Espagne et renvoya valets et maîtres d’hôtel. Alors, le
grand-prévôt aborda la question du mariage de Roland avec Florise.
Sa paternelle jalousie se déchaînait en lui. Mais ce fut avec un
calme apparent qu’il établit ses conditions, et Saint-André, d’un
bout à l’autre, fut charmant.
Premier point :
Saint-André
s’engageait à obtenir, pour lui, Roncherolles, un gouvernement
éloigné de Paris, celui de la Guyenne par exemple.
– Eh bien, oui ! Tu auras ton
gouvernement !… Il y a longtemps que c’est convenu
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