Nostradamus
C’être bas
bossible.
Myrta les connaissait : elle vit
clairement leur ravissement.
– Voici, dit-elle. Le Royal n’est pas
mort. Il est blessé. Il a été transporté dans une maison de la rue
de la Tisseranderie. Il y a une demi-heure, il en est sorti. Gilles
l’a suivi et vu entrer dans un hôtel de la rue Froidmantel. Il y a
un pont-levis, vous le reconnaîtrez. Dans la rue, il y a le cabaret
de la Truie-Blanche. Or, Le Royal est traqué par les gens de
Saint-André, par les gens du chevalier du guet, par les gens du
grand-prévôt, par les gens du roi. Tout ce qu’il y a à Paris de
bourreaux et de valets de bourreaux est à ses trousses. Il s’agit
de le surveiller, de le protéger, de mourir pour lui ou avec lui.
Voulez-vous veiller sur lui ? Je vous embauche. Vous vous
installez à la Truie. C’est moi qui paie toute la dépense et je
vous donne en plus, à chacun, deux écus par jour. Cent écus sont en
outre assurés à chacun de vous à la fin de cette campagne.
Acceptez-vous ?
Il y eut des grognements, des rugissements, de
furieux appels du pied, de grands gestes à tout
pourfendre !…
– Gardes du corps du Royal ! Ça nous
va, milodious !
– Ça nous va ! Et les écus
aussi ! dit Trinquemaille.
– À la Truie ! vociféra
Corpodibale.
– Forvertz ! rugit Bouracan.
II – LE CONSEILLER INVISIBLE
Une semaine s’écoula, pendant laquelle les
divers acteurs de la bataille engagée parurent reprendre haleine.
En réalité les acteurs de ce drame étaient arrivés à un point où
tous avaient reçu le suprême avertissement de la destinée. Le roi
Henri, Catherine de Médicis, Montgomery, Roncherolles, Saint-André,
son fils Roland, Lagarde, Marie de Croixmart, Le Royal de
Beaurevers, Florise, chacun de ces êtres se disait que l’heure
approchait où il allait se passer quelque chose d’effrayant dans
son existence…
Sur toutes ces angoisses planait la figure de
Nostradamus.
On touchait à juin. Paris était paisible.
Depuis quelque temps les prédications contre les huguenots
baissaient de ton. Le temps et les consciences étaient au beau
fixe… En attendant la tempête !
Le soir du 30 mai de l’an 1559, il y eut au
Louvre un conseil secret auquel prirent part Henri II, Jacques
d’Albon de Saint-André, maréchal de France, Roland de Saint-André,
fils du maréchal, Gaétan de Roncherolles grand-prévôt royal de la
ville de Paris, le révérend père Ignace de Loyola, Gabriel de
Montgomery capitaine général du Louvre.
Quant à Catherine de Médicis, on ne l’appelait
jamais. Seulement, elle assistait tout de même au conseil, comme on
va le voir.
Il s’agissait de Nostradamus.
Tout le monde était d’accord. Le roi n’avait
qu’à confirmer ce qu’il avait murmuré à Roncherolles ou à
Saint-André : son désir d’être débarrassé du sorcier…
Le moine, miné par la maladie, grelottant de
fièvre, avait affirmé avec une terrible froideur qu’il ne s’en
irait pas de Paris laissant derrière lui une aussi formidable
insulte à la religion : la sorcellerie tolérée en plein cœur
du royaume chrétien. Roland avait assuré qu’on ferait d’une pierre
deux coups et que, d’après les rapports de Lagarde, Le Royal
s’était réfugié en l’hôtel du sorcier. Montgomery avait dit que cet
homme en savait trop et était une menace pour la sûreté de l’État.
Saint-André avait raconté en pâlissant qu’une aventure qui venait
de lui arriver à lui et à Roncherolles lui faisait croire que,
depuis la présence de Nostradamus à Paris, le temps des miracles
infernaux était revenu. Roncherolles avait dit que l’affluence à
l’hôtel de la rue Froidmantel était un scandale menaçant la sûreté
de Paris.
Lorsque tout le monde eut donné son avis, le
roi, les yeux fixes, la physionomie bouleversée, parut lutter
contre un dernier conseiller invisible. Sûrement, quelqu’un était
près de lui – quelqu’un qu’on ne voyait pas et qui lui parlait. Le
roi, du geste, refusait ; de la voix, il grondait ;
parfois il écumait. Loyola priait. Les autres claquaient des dents.
Seuls Roncherolles et Saint-André regardaient cela avec la farouche
curiosité de gens qu’un tel spectacle ne pouvait étonner. Enfin
Henri rugit :
– Je veux que cet homme soit arrêté. Je
veux qu’on instruise son procès. Je veux qu’il périsse par le feu
sur la Grève !
– Dieu soit loué ! dit Loyola avec
ferveur.
Le roi se retira aussitôt
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