Nostradamus
pour vous. Après l’affaire de
la place de Grève, les quatre disparurent. Brabant-le-Brabançon
disparut aussi. En Flandre, en Italie, en France, Brabant conquit
la réputation d’un diable. Il sema l’épouvante. Eh bien, les quatre
dont je vous parle étaient les quatre épées de Brabant. Plus près
de nous, madame, ce sont ces quatre-là qui, conduits par
Beaurevers, sont tombés sur nous sous les murs de la grande
prévôté. Ce sont ces quatre qui ont gardé le roi prisonnier dans le
logis de la rue Calandre. Voilà les quatre que je voudrais vous
offrir. Malheureusement, ils sont corps et âme à celui qu’il faut
supprimer : à Beaurevers. Et je vais être obligé de les
supprimer eux-mêmes !
– Où sont ces hommes ? fit la reine
après un silence.
– Dans un cabaret de la rue Froidmantel,
où ils surveillent et guettent, prêts à mourir pour leur chef.
– Quels hommes sont-ils ?
– Insoucieux, sans scrupules, ne
connaissant d’autre Dieu que leur Beaurevers, bons à prendre ou à
pendre.
Catherine retomba dans sa méditation. Enfin,
elle dit :
– Tu ne toucheras pas à ces hommes. Dans
deux jours, tu leur feras tes propositions. Ils accepteront. Va
maintenant.
Lagarde s’inclina et sortit sans demander
d’autres explications. Alors Catherine se redressa, s’approcha d’un
miroir et regarda attentivement son front.
– La trace a disparu, murmura-t-elle. La
trace du doigt de François. Sire, trouvez-vous toujours que
Catherine de Médicis
sent la mort ?…
Prenez
garde ! Plus que jamais la mort est là qui vous touche… Que
mes braves filles réussissent, et ce Beaurevers succombe. Après
lui, Nostradamus ! Après lui, Montgomery ! Tous ceux qui
savent ! Et après lui, le roi !… Et alors, je suis la
reine ! Et je prépare à mon fils un trône digne de lui…
Elle frappa sur un timbre. Une suivante
apparut.
– Envoyez-moi M lles de L…, de
B…, de M… et d’O… [20]
IV – L’ESCADRON VOLANT
Ce jour-là, donc, vers 5 heures du soir, ils
étaient tous quatre dans la rue Froidmantel, se promenant.
– Vé, disait Strapafar, encore une
litière. Cette fois, c’est une grande dame qui franchit le
pont-levis. Est-elle assez jolie ! Que peut-elle avoir à
demander au sorcier ?
– Il y en a ! Il y en a des
litières ! Comptons-les.
– Ces deux, c’est au moins ouna marquesa
et ouna doukessà…
– C’ti montsir, baufre tiaple, il n’afre
plus ses champes…
– Voici des ribaudes qui arrivent à la
file.
– Encore une pigeounette qui passe le
pont.
C’était leur émerveillement de tous les jours,
cette foule bigarrée, grandes dames, ribaudes, bourgeoises,
artisans, hommes d’armes, seigneurs, enfants, vieillards, foule
sans, cesse renouvelée qui venait demander la santé au guérisseur,
des philtres d’amour ou de mort au sorcier, des horoscopes à
l’astrologue :
À midi, le pont-levis était baissé : dès
l’aube des gens attendaient ! Alors, on commençait à entrer.
Les gens étaient reçus par le petit vieillard grimaçant. Les uns
sortaient désespérés, mais ceux-là, on ne voulait pas les entendre.
D’autres sortaient hurlant de joie, criaient qu’ils étaient sauvés.
Alors, une rafale passait : Encore un miracle !
Le guérisseur recevait indistinctement
quiconque se présentait à la porte ; il refusait toute espèce
de payement.
Le seul ordre était l’ordre d’arrivée au
pont-levis. À 7 heures du soir, le pont-levis se relevait : on
n’entrait plus. Alors la rue se vidait en quelques minutes. Et le
lendemain cela recommençait.
Ce soir-là, comme les soirs précédents, nos
quatre gardes du corps – gardes de Royal-Beaurevers ! – ayant
assisté à ce brusque changement à vue, regagnèrent le cabaret de la
Truie-Blanche
pour s’y livrer à cette occupation agréable
qu’était le souper.
– Tiens ! fit Trinquemaille. Des
servantes !…
Généralement c’était l’hôtesse qui servait,
aidée par une goton. Ils s’étaient arrêtés, stupéfaits de
l’aubaine.
– Elles sont quatre, reprit
Trinquemaille.
– Et nous être quatre, observa
judicieusement Bouracan.
– Qu’elles sont jolies, madonna !
gronda Corpodibale.
– Outre ! fit Strapafar avec un
sifflement d’admiration.
Ils se mirent à table, et attaquèrent. Les
quatre servantes s’empressaient autour d’eux avec des sourires
bienveillants. Elles portaient le costume ordinaire des servantes
d’auberge.
Weitere Kostenlose Bücher