Nostradamus
un poignard au
cœur !
Tout à coup, Roland ne sentit plus la main qui
le guidait. Il se vit dans une pièce vaguement éclairée et pleine
de parfums pénétrants. En même temps, il vit Nostradamus, qui lui
désignait le miroir…
– Voici ta pensée, dit gravement le mage.
Regarde-là !
–
Regarder ma pensée !
balbutia Roland.
Et alors il eut le vertige. De ses yeux
exorbités, de toute sa puissance, il regardait… Nostradamus ne
regardait pas le miroir, mais Roland.
Soudain, une forme vaporeuse, se balança dans
ces régions imprécises qu’on semblait voir dans une glace. Roland
se raidit contre l’épouvante.
La forme, lentement, se précisait. Elle prit
corps… Roland jeta un cri terrible et tomba à genoux. Et cette
apparition, c’était sa
pensée réalisée !
C’était le
fantôme de Florise ! Florise morte ! Florise
poignardée ! Florise, avec, au sein, un poignard qu’elle
paraissait désigner à l’assassin !… Nostradamus
murmura :
– Il a vu ! Comme a vu
Catherine ! Comme ont vu tous ceux à qui j’ai dit :
« Regarde !… » Il a vu… mais moi, cette
fois
comme les autres,
JE N’AI PAS VU !
Nostradamus s’élança vers Roland, l’entraîna
dans la pièce où il l’avait reçu, et pendant quelques minutes le
laissa se débattre contre l’épouvante. Peu à peu, Roland parut
reprendre son sang-froid.
– Êtes-vous convaincu ? demanda
Nostradamus.
– Oui, dit Roland. Ce que j’ai vu hier,
ce que je viens de voir me prouvent votre infernale puissance.
– Eh bien ! Demandez, puisque vous
êtes venu pour cela !
– Mais vous ! Qu’allez-vous me
demander en échange ?
– Rien. Demandez. Que
voulez-vous ?
– De l’or ! répondit Roland.
– De l’or ? Je ne vous en donnerai
pas. L’or qui sort de mes mains ne doit servir que des causes
sacrées. Pour les crimes que vous méditez, il faut de l’or ramassé
dans le crime. Je vais vous dire où vous allez trouver cet or
maudit !
– Cet or maudit, où le
trouverai-je ? gronda Roland.
– Chez ton père !
– Chez le diable si vous voulez, pourvu
que vous m’en donniez le moyen !
– Djinno ! appela Nostradamus.
Le petit vieillard se montra aussitôt,
toujours souriant.
– Djinno ! Tu vois M. Roland de
Saint-André, fils du maréchal, gentilhomme brillant de cette
brillante cour du roi Henri II. Explique-lui où se trouvent
les millions de son père et comment il peut les prendre dès cette
nuit, s’il veut…
– Des millions ! Dès cette
nuit ! balbutia Saint-André.
– C’est facile. M. le maréchal a
caché le trésor qu’il a acquis par de longs et honorables travaux
dans l’angle gauche de la troisième cave de son hôtel. Seul il a le
moyen d’entrer dans cette cave sans porte apparente… mais l’hôtel
est adossé aux murs de l’enceinte. Les murs de ses caves, du côté
des fossés Mercœur, sont les murs mêmes de Paris. Il a fait
pratiquer par un maçon une sorte de trou, d’armoire, dans le mur, à
l’angle gauche. Lorsque le maçon eut terminé son travail, il
l’étendit d’un coup de dague et le maçon fut enterré dans la cave…
Alors il fit venir un forgeron, et lui fit exécuter une porte de
fer pour fermer son armoire. Quand la porte fut placée, l’homme
rejoignit le maçon : il y a deux tombes dans la troisième cave
de M. le maréchal.
Roland écumait. Il tourmentait le manche de sa
dague.
– Ensuite ! hurla-t-il.
– Il n’y a pas d’eau dans les fossés de
Mercœur. Supposez qu’une charrette attelée d’un solide cheval
attende vos ordres sur le talus des fossés de Mercœur, que quatre
vigoureux gaillards dévoués, muets, sourds, mais non aveugles,
attendent vos ordres, dans le fond des fossés où il n’y a pas
d’eau. Supposez que quelqu’un ait mesuré sur la face de la muraille
qui surplombe les fossés la place correspondant à la fameuse
armoire… Supposez enfin qu’on ait là, creusé une sorte de boyau
qu’on a dissimulé en attendant votre visite ! Eh bien, le
boyau aboutit à la fameuse armoire, non pas par devant, certes…
mais par derrière ! Vous entrez dans le boyau, vous faites
transporter les six millions par les quatre gaillards dans la
charrette, et avant trois heures le trésor repose tranquillement
chez vous. Voilà !
Djinno partit d’un éclat de rire aigre,
strident, et se frotta les mains avec vivacité. Roland s’était
levé, livide. Nostradamus avait disparu… Le
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