Nostradamus
sire ! »… Vous parlez au roi de
France ! Trouvez un compliment de bon aloi. Par exemple, vous
diriez : « Sire, vous voyez en moi le plus heureux
gentilhomme de votre royaume, puisque je suis admis à l’honneur de
me présenter devant vous. » Avant de vous retirer, offrez
quelque chose à Sa Majesté.
– À la ponne heure ! fit Bouracan…
Sire, si vous afre soif, che baie une binte d’hybocras à la
Druie planche…
Et Bouracan tira de sa poche plusieurs écus
qu’il montra au roi Strapafar. Le roi, d’ailleurs, allongeait déjà
la main pour saisir les écus. Mais Bouracan referma son poing. La
rousse était indignée.
– Mais vous êtes à battre ! cria la
rousse. Est-ce qu’on offre de l’hypocras au roi ! Est-ce qu’on
l’invite à aller boire à la
Truie blanche !…
On offre
son sang, ses biens… On dit par exemple…
– La reine ! cria la blonde en se
levant.
La reine s’avança souriante, tandis que les
estafiers se raidissaient en une attitude de soldats devant le
général en chef. Elle sourit à Trinquemaille, tira la moustache de
Corpodibale, eut un geste d’admiration devant Strapafar, et tapota
les joues de Bouracan. Ils étaient bouleversés d’émotion…
Ils l’admiraient passionnément. Sur un signe
de la reine, les demoiselles sortirent.
– Mes enfants, dit-elle alors, il faut ce
soir que je sois escortée par des hommes résolus. Si on me suit, un
bon coup de dague me délivrera de l’espion. Puis-je compter sur
vous ?
– Madame la reine, dit Strapafar, nos
bras et nos cœurs sont à vous : usez-en donc à votre
fantaisie.
La reine eut un éclair de joie. C’était bien
répondu.
– Eh bien, oui, dit Catherine, je me fie
à vous. Venez !
Un instant après, ils se trouvaient hors du
Louvre.
II – LA VIE ET LA MORT.
Dans son cabinet de travail, vers le moment où
Catherine de Médicis pénétrait dans la salle à manger de
MM. de Strapafar, de Trinquemaille, de Bouracan et de
Corpodibale, Nostradamus considérait avec pitié Le Royal de
Beaurevers, debout devant lui. Cette pitié était sincère.
Nostradamus n’avait aucune haine contre le
fils de Marie et de
Henri…
Mais le jeune homme était condamné par le
Destin !
– Le destin est logique, songeait
Nostradamus. Il serait absurde que Roncherolles, Saint-André et
Henri de France ne subissent pas le châtiment logique. François a
été frappé à Tournon. Frappé par moi. Le poison de Montecuculi ne
fut que l’instrument. Ces trois-ci doivent être frappés… Dans
l’auberge de Melun, je me suis trouvé mis en présence du fils
d’Henri, du fils de Saint-André, de la fille de Roncherolles. Voilà
mes instruments ; reprit-il à haute voix : quand vous
n’aurez plus qu’à venger ce vieux truand que j’ai frappé à
mort…
– Brabant ! murmura Le Royal avec un
frisson.
– À ce moment-là, tiendrez-vous la parole
que vous avez donnée au mort ? Me frapperez-vous de cette
dague ?
Il eût tout donné pour que Le Royal lui
répondit :
Oui !
– Vous avez peur ? fit
Beaurevers.
– Répondez à ma question. Quand vous
n’aurez plus besoin de moi, me frapperez-vous ?
– Ne me provoquez pas ! Ce que je
veux faire de vous, je ne le sais plus. Ce qui arrivera de moi à
vous me regarde seul. Ne me parlez plus de cela. Vous m’avez promis
que ce soir mardi je saurais où
elle
se trouve. Voilà de
quoi il est question.
– Je vais tenir ma promesse. Mais vous,
promettez-moi de ne pas sortir de cet hôtel avant demain matin.
Le Royal ne répondit pas.
– Soit ! reprit Nostradamus. Écoutez
donc : à quelques lieues de Villers-Cotterets se trouve un
château fort. Il s’appelle Pierrefonds. C’est là, si vous y pouvez
entrer, que vous retrouverez…
Nostradamus s’interrompit. Le Royal venait de
s’élancer hors du cabinet. Comme il arrivait dans la cour, on
baissait le pont-levis, et Djinno s’avançait au-devant de Catherine
de Médicis. D’un bond, Le Royal disparut dans la direction de la
halle.
Au moment où Le Royal franchit le pont, il se
trouva une seconde vivement éclairé par les torches portées par
deux valets sous les ordres de Djinno… En même temps, dans la rue,
un coup de sifflet retentit. Alors, des ombres se jetèrent sur le
chemin que prenait Le Royal de Beaurevers… C’était Lagarde !…
et les huit hommes de l’escadron de fer…
Depuis trois jours, Lagarde surveillait ;
les abords de l’hôtel. Il lui fallait
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