Nostradamus
n’est-ce pas ?
– Vous me l’avez demandée. Eh
bien ?
– Eh bien ! en ce moment,
cette
épée est aux mains de l’homme qui doit tuer le roi.
La figure de la reine se colora d’un rapide
afflux de sang.
– Oui, songeait Nostradamus, j’ai eu
cette faiblesse de vouloir
aider
le destin. J’ai changé
l’épée de Beaurevers, qui porte maintenant celle de Montgomery. Qui
sait si cette substitution n’a pas été prévue ?… Oui, cela
doit être ainsi. Henri ne peut être tué à la fois par Montgomery et
par Beaurevers. C’est Beaurevers seul qui est l’instrument…
Il reprit tout haut :
– N’avez-vous plus rien à me demander,
madame ?
Catherine leva lentement les yeux sur le
mage.
– Non, je n’ai plus rien à vous
demander.
Mais il est dans mon esprit une sombre question.
Vous m’avez dit un soir qu’on peut ressusciter les morts. Oh !
non pas seulement évoquer leur ombre. Cela, je le sais. J’ai
vu ! Je parle de les ressusciter. Avez-vous jamais tenté cette
opération ?…
– Non, madame.
– Mais, s’il le fallait, vous la
tenteriez ?…
– Oui. Sur une personne qui me serait
bien chère. Mais je n’en connais pas. Mon cœur est mort à toute
affection.
– Mais vous persistez à croire que ce
prodige est possible ?
Nostradamus, d’une voix de certitude, dit
alors :
– Nous appelons impossibles les
phénomènes qui ne se sont pas encore produits, ou qui semblent
aller à l’encontre des lois de la nature. Mais, qu’est-ce qu’une
loi de la nature pour l’ignorance humaine ? C’est seulement la
constatation d’un fait toujours répété. Nous n’avons vu aucun être
réellement privé de la vie se relever, revivre. Et nous
disons : la résurrection, ou la réincarnation est
impossible
parce qu’elle est contraire à une loi de
nature. En réalité, contre la résurrection ou la réincarnation
c’est que, jusqu’à présent, la plupart des hommes n’ont vu aucune
résurrection, mais ce n’est pas une preuve. C’est une probabilité…
Cet esprit hardi se plaisait à ces spéculations.
– Voici un être vivant, continua-t-il. Un
millième de seconde s’écoule, et il ne vit plus. L’instant d’avant,
il vivait. L’instant d’après, il est cadavre. Que s’est-il
passé ?… Si je l’examine, je trouve les mêmes os, les mêmes
muscles, les mêmes nerfs, en même quantité, en même disposition, le
même sang en même poids. C’est le même être. Il était vivant. Il
est cadavre. On dit : il y avait quelque chose dans l’être
vivant. Ce quelque chose n’est plus dans le cadavre. Et voilà la
mort expliquée.
Eh bien ! renversons cette affirmation, et
disons :
QUELQUE CHOSE QUI N’ÉTAIT PAS DANS L’ÊTRE VIVANT
VIENT D’Y ENTRER, ET VOILÀ UN CADAVRE !
– Quelque chose ! La mort !
C’est la mort qui est entrée…
– La mort ! Terme vague. On
disait :
manque à ce cadavre quelque chose qui ne manquait
pas à l’être vivant.
En réalité, on se contentait de remarquer
que le mouvement, la sensibilité, la marche du Sang manquent au
cadavre, alors qu’ils ne manquent pas à l’être vivant. C’était
dire : la vie manque au cadavre. C’était une constatation,
sans plus. Mais moi, madame, moi qui suis entré dans les demeures
de la mort, je dis au contraire :
Il y a quelque chose
dans ce cadavre qui n’était pas dans l’être vivant !
Dans
la première thèse, impossibilité de résurrection naturelle. Car où
prendre le quelque chose qui était dans le vivant et qui n’est plus
dans le cadavre ?… Avec ma thèse, la résurrection devient
possible. Car je dis : Si
quelque chose existe dans le
cadavre, qui n’existait pas dans le vivant,
JE PUIS CHASSER CE
QUELQUE CHOSE, ET LE CADAVRE REDEVIENT UN ÊTRE VIVANT.
– Et vous avez trouvé ?
– J’ai trouvé que cette force qui ne
détruit pas,
mais qui
modifie
le mouvement, peut
être chassée par une force qui laissera au mouvement sa forme, ce
que nous appelons
vie.
J’ai trouvé que l’être affaibli par
une cause quelconque, devient impuissant à se défendre. J’ai trouvé
que tous les êtres vivants, en pleine santé, sont sans cesse
assaillis par le
quelque chose
qui veut les transformer en
cadavres. Ils se défendent jusqu’au jour où les moyens de défense
leur échappent… Alors le
quelque chose
entre… Répétons que
c’est une
force.
Si j’arrive à chasser cette force par une
force contraire et que je l’empêche
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