Nostradamus
de rentrer, j’obtiens la
résurrection… Toute la question est donc de composer cette
force contraire
que je veux INTRODUIRE DANS LE
CADAVRE.
– Et vous arrivez à la composer ?
palpita Catherine.
– Je n’ai pas essayé, répondit simplement
Nostradamus. Je n’ai pas essayé, parce que l’un des éléments de
cette composition répugne à ma faiblesse humaine.
– Et quel est cet élément ?… fit
Catherine étonnée.
– La vie d’un enfant, âgé de moins de
douze ans, un enfant né d’un véritable amour… Jamais je ne le
chercherai.
– Quoi ! vous laissez-vous donc
arrêter par…
– Ah ! madame. Songez à ce que vous
me dites. Tenez, je vais vous faire comprendre.
Votre
enfant ! Votre fils Henri ! Eh bien il se trouve dans les
conditions les plus favorables !
Si, pour rendre la vie à
un cadavre, je lui prenais sa vie, À LUI !…
Catherine poussa un cri terrible.
– Taisez-vous ! hurla-t-elle,
soudain debout, frémissante.
– Vous voyez bien ! fit
Nostradamus.
– Vous avez raison, dit-elle encore
palpitante. C’est effroyable. J’en mourrais… mais… il y a… d’autres
enfants…
Nostradamus saisit rudement le poignet de
Catherine :
– À mon tour de vous dire :
Taisez-vous, madame !… Vous venez d’avoir un mouvement
maternel qui rachète peut-être bien des pensées criminelles. Mais
songez qu’une mère dans la plus misérable des chaumières est
auguste au même titre que vous dans votre Louvre. Allez,
madame…
Catherine s’inclina sous cette parole et
sortit.
III – APPARITION
Nostradamus, après le départ de la reine,
s’assit à une grande table chargée de livres ouverts. Il
songeait :
– Travail ! C’est toi seul qui me
donnes la force de supporter les misères de ce cœur qui bat encore
pour ELLE. Que de fois, depuis mon retour à Paris, j’ai été
m’asseoir sous les peupliers du bord de la Seine !… C’est là
que j’ai connu le seul bonheur de ma vie.
Il ouvrit un livre, puis le ferma et le laissa
tomber.
– Ce fut terrible, devant le porche de
Saint-Germain-l’Auxerrois ; lorsque je sus qu’elle s’appelait
Croixmart, je crus que j’allais mourir. Et pourtant, je lui ai
pardonné cela. Oui, je crois, je suis sûr qu’elle n’a pas dénoncé
ma mère ! Elle n’était pas coupable des crimes de son père. Ô
Marie ! ton amour t’avait dicté ton mensonge… mais puis-je te
pardonner d’avoir cédé à Henri !… Oh ! ce fils ! Ce
Beaurevers ! Cette preuve de ta trahison !… Parfois, j’ai
essayé de douter. Je me suis demandé même si cet enfant… Espoir
stupide !… Les paroles du dauphin à l’agonie furent
formelles ! Et c’est la vérité qu’il me dit lorsque, près de
mourir, dans cette chambre de Tournon, il me cria que tu avais un
fils et que ce fils, c’était l’enfant de son frère Henri !… Ô
Marie ! de quelle boue est fait mon cœur puisque je t’aime
encore ! Où es-tu ? Pourquoi n’as-tu jamais obéi à ma
voix ! aux incantations auxquelles obéissent tous les
esprits !…
Sa pensée entrait dans un autre monde. Il
murmura :
– Ces esprits, comment se fait-il que je
ne les aie jamais vus, moi !… Cinq ou six fois, j’ai tenté des
évocations. Toujours, l’esprit s’est montré à qui je le désignais,
mais jamais à moi !…
Pourquoi ?… Mystères. Jeux
infinis de l’infini. Abîmes insondables. Allons, travaillons !
c’est encore la seule consolation !
Il se mit à écrire.
– Travaillons ! C’est bien dit,
maître ! fit une voix aigre.
– Tais-toi, Djinno, dit doucement
Nostradamus.
Le petit vieux s’avança, les yeux pétillant de
malice.
– Eh ! Eh ! fit-il. J’ai
travaillé moi aussi. J’ai compulsé tous ces vieux parchemins que
vous m’avez remis. Et je sais ! Écrivez, maître ! Je sais
le nombre des démons !…
Djinno se frottait les mains ; tout en
lui riait. Il s’approcha de la table et jeta un coup d’œil sur les
papiers épars.
– Vous n’écrivez pas ? dit-il avec
une moue. À quoi me sert le mal que je me suis donné ? À quoi
travaillez-vous ?… Bon ! Toujours à vos Centuries !
Maître, laissez là vos Centuries et écrivez !… Savez-vous ce
que j’ai compté de démons ? Il y en a six mille six cent
soixante-six légions… Et chaque légion comprend six mille six cent
soixante-six anges. Cela nous fait une armée de près de
quarante-cinq millions qui…
– Djinno, laisse-moi
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