Nostradamus
trouva :
– Ce jour qui commence est celui où Henri
et Beaurevers vont enfin se trouver aux prises. C’est le châtiment
du roi Henri qui commence. Et, en ce mercredi, c’est aussi
Roncherolles qui va être frappé. Il est donc naturel que Marie se
soit montrée à moi pour m’encourager…
La terrible dépense de volonté, l’effort
accompli, l’avaient laissé prostré. Vers midi, grâce à son
inépuisable réserve d’énergie, et aussi grâce à des stimulants dont
il avait le secret, il commença à reprendre la direction de
soi-même. Quelques heures plus tard, il avait surmonté cet
abattement. Il monta à cheval, et, suivi de deux valets armés, prit
la direction du Grand-Châtelet.
Il faisait grand jour encore au dehors
lorsque, avec un laissez-passer du roi, Nostradamus pénétra dans la
vieille forteresse. Mais quand il eut franchi les portes, quand il
se trouva devant le
Paradis
où était enfermé Roncherolles,
les ténèbres l’enveloppèrent. Il prit le falot et les clefs des
mains du geôlier qui l’escortait, ouvrit lui-même et entra seul. Le
prisonnier se leva du petit lit où il gisait, et, hagard, s’avança
en grondant :
– Qui vient là ? Est-ce vous enfin,
mon révérend père ?…
– Loyola ne viendra pas, dit Nostradamus.
Il est sur la route de Rome, et je doute qu’il y arrive vivant…
– Parti en m’abandonnant ! Qu’il
soit maudit !…
– Vous avez tort de le maudire. Il
voulait vous sauver. Il en a été empêché par le roi qui l’a chassé
du royaume.
– Le roi ! Oui, ce doit être
cela ! C’est ce roi fourbe qui a commis encore cette
félonie ! Eh bien ! maudit soit donc le roi
Henri !…
– Vous avez tort de maudire le roi, dit
Nostradamus. Il n’a fait qu’obéir à l’ordre que quelqu’un lui a
donné.
Roncherolles cherchait à reconnaître celui qui
lui parlait ainsi, de cette voix, sans
couleur.
Il
râla :
– Et qui a été plus puissant qu’Ignace de
Loyola ? Qui est assez puissant pour donner des ordres au roi
de France ?
– Moi ! dit Nostradamus.
– Vous ! Oh ! Qui es-tu,
démon ! Je ne vois pas ton visage… Mais il me semble que j’ai
déjà entendu cette voix ! Qui es-tu ? Ose au moins me
jeter l’infamie de ton nom !
– Nostradamus !
Roncherolles, pendant quelques minutes,
demeura haletant, les yeux fixés sur cette physionomie
impassible.
– Que vous ai-je fait ? Pourquoi
avez-vous empêché le moine de me sauver ?
– Parce que c’est moi qui ai demandé
votre arrestation.
– C’est vous qui m’avez fait
arrêter ! balbutia Roncherolles hébété. J’aurais dû le
deviner. Dès le premier mot que vous m’avez dit, j’ai senti que
vous étiez mon ennemi. Que vous ai-je fait ? Je ne le savais
pas ! Ce que je comprenais c’est qu’un jour vous me tueriez,
si je ne vous tuais !… Eh bien ! Êtes-vous
content ?… Regardez ce cachot !…
Nostradamus accrocha le falot à un clou, et le
cachot se trouva mieux éclairé. Alors, il se tourna vers le
prisonnier :
– J’aurais pu dit-il, infliger au moine
un plus rude châtiment. Mais le moine avait une excuse, lui :
il était sincère. Je regarde ce cachot. Mais j’en ai vu un autre,
jadis. Celui-ci est convenable. Celui dont je vous parle était
immonde. Le prisonnier était attaché par les chevilles. Les anneaux
étaient étroits et rouillés ; la chair du malheureux formait
un bourrelet de souffrance. Le prisonnier vécut ainsi pendant des
mois. Lorsque le moine descendit dans cet enfer, le prisonnier lui
jura sur son âme qu’il n’avait rien fait. Il se mit à genoux. Il
pleura… Il supplia le moine de lui permettre de sauver son père. Le
moine s’en alla… Je viens au nom de cet infortuné. Ai-je bien fait
de frapper Loyola ?…
– Mais moi ! haleta Roncherolles.
Qu’ai-je à faire en tout ceci ? Est-ce que la cruauté du moine
me regarde, moi !…
– C’est vrai… mais il était utile que
vous le sachiez. J’ai oublié de vous dire le nom du malheureux qui
m’envoie. Vous le saurez. Cet homme s’appelait Renaud.
Roncherolles sentit un frisson courir sur son
échine. Nostradamus reprit :
– Ce cachot est un logement suffisant.
Mais j’en ai vu un autre en arrivant à Paris. J’achetai le
gouverneur du Temple.
– Le Temple ! bégaya Roncherolles
horrifié.
– Je pus donc descendre dans la tombe où
fut enfermée la malheureuse qui m’envoie. Comment des hommes,
ont-ils eu
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