Nostradamus
ce courage d’enfermer là, une jeune fille ! Je l’ai
vue, cette tombe ! Je l’ai vu, ce cachot ! Et je me
demande comment, par quel miracle elle a pu vivre !…
Voulez-vous que je vous dise son nom ?
– Marie de Croixmart !
Roncherolles jeta le nom dans un hurlement. Il
songea que tout n’était peut-être pas encore perdu, qu’il lui
fallait se défendre ; et, tout d’abord, savoir qui était
Nostradamus. Il reprit :
– J’ai connu Renaud. J’ai connu Marie de
Croixmart.
– Je viens en leur nom, répondit
Nostradamus.
– Quand les avez-vous vus ? demanda
Roncherolles.
– Je vois Renaud à chaque instant. Et,
quant à Marie de Croixmart, je l’ai vue il y a quelques heures.
– Vivante ! rugit Roncherolles en
lui-même. Ce n’était pas un spectre que nous avons vu avec
Saint-André ! Elle est vivante ! Il vit !… Ce n’est
plus dès lors qu’une question de ruse et de force !…
Sa voix reprit cette ironie qui lui était
habituelle.
– Et de quoi vous ont-ils chargé, vous,
leur envoyé ?
– De les venger, dit doucement
Nostradamus.
– De les venger, soit ! grinça
Roncherolles. Pourquoi ne s’en chargent-ils pas
eux-mêmes ?
Nostradamus saisit le poignet de Roncherolles,
et dit :
–
Parce qu’ils sont morts…
Le front de Roncherolles se mouilla… Il
balbutia :
– Vous disiez que vous avez vu Renaud à
chaque instant, et Marie, il y a quelques heures. Ils sont donc
morts aujourd’hui même ?… il y a quelques instants ?
Nostradamus répondit :
–
Ils sont morts depuis plus de vingt
ans…
Alors, le vertige de l’inconnu s’empara de
Roncherolles. Il n’était plus dans ce cachot. Il était dans la
chambre de Marie de Croixmart. Dans la chambre où il avait amené
François et Henri. Et brusquement une voix tonna comme sur le
pont-levis de la rue Froidmantel :
– Renaud ! Voici Renaud qui
vient !…
Lorsqu’il reprit son sang-froid, il se sentit
brisé. Une ressource lui restait : demander grâce. Il
s’agenouilla et dit :
– J’ai une fille. C’est pour la sauver
que je désire la liberté. Laissez-moi sauver ma fille !…
– Je le sais. Elle s’appelle Florise. Et
je sais que vous aimez cette enfant. Le destin vous a mis au cœur
l’instrument avec lequel je devais broyer ce cœur…
– Que veux-tu dire ! hurla
Roncherolles. Oh ! je comprends ! ma Florise est en ton
pouvoir !
Nostradamus saisit la tête de Roncherolles et
gronda :
– Regarde-moi !…
– Qu’as-tu fait de ma fille !… râla
Roncherolles.
– Je l’ai donnée au roi !…
– Grâce ! Grâce ! rugit
Roncherolles. Il est temps encore. Ma vie pour la sienne !
Cours !… Sauve-là !…
– Trop tard. En ce moment, le roi est
auprès d’elle.
– Livrée ! pantela Roncherolles.
Livrée au roi !
– Le même à qui, jadis, tu livras Marie
de Croixmart !…
Roncherolles tomba la face contre terre.
Nostradamus sortit. Le geôlier remarqua que
ses mains tremblaient un peu. À l’encoignure de la rue Froidmantel,
il vit aux abords du Louvre un grand rassemblement de peuple, qui
criait :
– Vive Monseigneur ! Vive Sa
Majesté !
– Vive Savoie ! Vive le
roi !…
Nostradamus se sentit mordu au cœur par un
soupçon.
– C’est aujourd’hui mercredi ! Le
roi, à cette heure, est à Pierrefonds en présence de Florise et de
Beaurevers !…
S’adressant à un artisan qui criait plus fort
que les autres :
– Mon ami, dit-il, pourquoi tout ce
monde ?
– C’est, dit l’homme, que monseigneur le
duc de Savoie est allé visiter la lice qu’on prépare près de la
Bastille Saint-Antoine pour le tournoi qui aura lieu à l’occasion
de son mariage et qu’il vient de rentrer au Louvre. Comme Sa
Majesté le roi accompagnait le duc, nous crions vive Savoie et vive
le roi !…
Nostradamus entendit en lui comme un fracas
effroyable. Il lui sembla que le ciel croulait. Le roi n’avait pas
été à Pierrefonds, où Beaurevers se trouvait en ce
moment !
La vengeance avortait !…
Chapitre 17 PIERREFONDS.
I – EN CAMPAGNE
Nous ramènerons le lecteur à cette nuit du
samedi au dimanche où Djinno conduisit Roland de Saint-André dans
les fossés Mercœur, sur les derrières de l’hôtel du maréchal.
La galerie qui aboutissait aux coffres dans
les caves du maréchal, apparut aux yeux de Roland dès que Djinno
eut fait tomber la mince couche de plâtras qui dissimulait
l’ouverture. Les
Weitere Kostenlose Bücher