Nostradamus
de
Beaurevers, et jusqu’au souvenir de ce qui venait de se passer dans
les lices.
– Mon père ! gronda-t-il.
– Henri II, roi de France !
Le jeune, homme plia sous le choc de cette
effroyable pensée : parricide !… Mais presque aussitôt la
haine se mit à sonner le tocsin dans son cœur. Il rugit :
– Ah ! je comprends pourquoi je suis
né dans un cachot ! Pourquoi, dès ma naissance, je fus voué au
bourreau ! Pourquoi mon père désira ma mort ! Fils du
roi ! Oui ! j’étais un danger !… Et ma mère ?…
Oh ! si je dois la maudire, elle aussi, par pitié, gardez son
nom !…
– Ta mère est morte il y a plus de vingt
ans.
– Morte ! râla Beaurevers.
– Elle s’appelait Marie de
Croixmart ! dit Nostradamus.
Un cri déchirant jaillit de la poitrine du
jeune homme. Marie de Croixmart ! Sa mère ! La Dame sans
nom ! Celle qui était maintenant la mère de Florise !
Non ! Non ! Elle n’était pas morte ! Oh ! comme
il comprenait maintenant cette immense douleur qui semblait figée
sur la physionomie de la pauvre Dame sans nom ! Mais il était
là maintenant pour la consoler, la ramener à la vie ! Et le
premier mot qu’il lui dirait, ce serait :
– Vous êtes vengée ! Le roi est
mort, tué par son crime, puisque c’est la main de son fils, qu’a
armée le Destin !…
Éperdu, il allait crier : Ma mère n’est
pas morte !… Et alors il vit Nostradamus si sombre qu’un
nouveau frisson le secoua. Qu’était cet homme ? Pourquoi
Nostradamus lui avait-il mis à la main la lance qui devait tuer son
père ! Pourquoi lui disait-il que sa mère était morte depuis
vingt ans !… Le Royal de Beaurevers marcha à Nostradamus. À ce
moment, celui-ci sortit en jetant ce seul mot :
– Adieu !…
Alors la tente s’emplit d’archers…
Le Royal tira son poignard, et sur les quatre
estafiers jeta un regard qui criait : Êtes-vous prêts à mourir
avec moi ?… Dans cette seconde, une main rude s’abattit sur
son épaule. Le Royal se retourna et leva son poignard…
– Au nom de la reine, dit l’homme, je
t’arrête !
Le bras de Beaurevers retomba inerte à son
côté. Le poignard échappa à sa main. Il baissa la tête et
bégaya :
– Le père de Florise !…
– Emmenez-le, rugit Roncherolles.
Chapitre 19 Le tombeau de Marie.
I – RÉGICIDE ?…
Les quatre estafiers s’avancèrent. Le Royal
les foudroya du regard. Ils s’arrêtèrent. Roncherolles
gronda :
– Qui sont ces quatre ?
– Des gentilshommes de la reine !
fit Trinquemaille.
Roncherolles crut qu’ils étaient là pour
l’aider – c’était d’ailleurs la vérité.
– Vous pouvez aller rassurer la
reine : l’homme est pris.
D’un coup d’œil, ils se concertèrent pour la
bataille… Le Royal les tint sous son regard et, d’une voix
étranglée :
– Oui, oui : allez rassurer la
reine… allez donc !
Ils avaient un tel respect pour les moindres
volontés de leur dieu, qu’ils rengainèrent, et, à reculons,
sortirent…
Le Royal de Beaurevers fut conduit au
Châtelet. Tout le long du chemin, Roncherolles marcha près de lui,
le tenant par le bras. Beaurevers était hagard. Toutes ses pensées
se battaient en tumulte. En vérité, pendant ce parcours, il n’y eut
en lui qu’une idée :
– Je suis arrêté pour avoir meurtri le
roi. Je vais mourir : je suis à jamais séparé de Florise. Si
je tue cet homme, là, près de moi, je puis peut-être échapper. Oui.
Mais si je tue le père de Florise, je suis séparé d’elle par
l’horreur. Oh ! si Roncherolles pouvait seulement s’écarter
une minute !…
Sur l’ordre du grand-prévôt, Beaurevers fut
descendu au
Paradis :
c’était une idée de
Roncherolles.
La première pensée de Beaurevers fut de se
dire :
– Comment faire savoir à
ma mère
que je suis vivant ? Comment donner cette dernière joie à la
Dame sans nom ?
Toute la journée, il ne pensa qu’à cela.
Pendant ces longues heures, il ne
songea
ni à Florise, ni
au roi. Il fut uniquement occupé de sa mère.
– Comme elle a souffert ! Comment
mettre une joie dans cette existence ! Lui faire savoir que
son fils est vivant !…
Sur le soir, un geôlier entra. Beaurevers eut
une idée. Il fouilla vivement dans sa ceinture de cuir, où
Nostradamus avait mis de l’or. Il en tira une dizaine de pièces, et
dit :
– Veux-tu gagner ceci ?
– Je veux bien, fit le geôlier ébloui,
mais
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