Nostradamus
pour dimanche. Lorsqu’elle sentait
l’angoisse donner l’assaut à son cœur, elle fermait les yeux, et
elle
entendait
la voix de Renaud qui lui disait :
dans vingt jours, heure pour heure…
Le dimanche, elle se plaça, toute palpitante,
près de la porte, et attendit. D’abord elle attendit patiemment.
Puis, un peu d’impatience la gagna… Sur le soir, le geôlier vint
lui apporter sa provision de
deux jours.
Elle ne fit pas
attention à cet homme :
elle savait
que ce n’était
pas Renaud. Elle ne mangea pas. Elle continua de se tenir près de
la porte, debout. Parfois, elle murmurait :
– Ce dimanche est long ! Cette
journée ne finira donc pas ! Et elle n’est pas finie,
puisqu’il n’est pas encore là…
Elle ne toucha pas à son pain ;
seulement, la soif la dévorait, et elle s’aperçut que la forte
cruche n’avait plus une goutte d’eau.
– Comment ai-je pu déjà vider cette
cruche ? se dit-elle.
Au moment où elle se disait cela, le geôlier
reparut ; il portait une cruche pleine et un pain :
la ration de deux jours.
Cela l’étonna. Elle
dit :
– Oh ! vous m’apportez à manger et à
boire deux fois dans le même jour ?
– Comment, deux fois ? fit le
geôlier stupéfait.
– Vous m’avez apporté
ce matin
mon pain et ma cruche…
– Je suis venu vous apporter votre ration
dimanche soir.
– Dimanche soir ?… Eh
bien ?…
– Eh bien ! fit le geôlier, nous
sommes MARDI SOIR.
La porte se referma rudement. Marie, sans un
cri, tomba à la renverse, foudroyée. Depuis le dimanche matin elle
était restée sans manger, sans dormir, presque toujours debout.
IV – LA CONDAMNÉE
Des jours passèrent. Marie demeurait
accroupie. Elle ne cria pas. Elle ne pleura pas. Toute conscience
de vie fut abolie en elle. Une seule pensée surnagea :
Il
ne viendra pas !
À plusieurs reprises, il lui sembla voir
apparaître devant elle François et Henri, tantôt ensemble, tantôt
l’un ou l’autre seul. Elle ne les entendait pas. Une fois, elle
comprit qu’ils proféraient une menace. Et cette fois-là, lorsqu’ils
eurent disparu, on l’obligea à sortir et elle parvint enfin dans
une salle obscure où des hommes vêtus de noir étaient
assemblés…
Entre autres questions, elle fut adjurée de
dire depuis combien de temps elle avait des accointances avec le
démon, et si elle avait signé un pacte avec lui. Marie secoua la
tête sans répondre. Cela dura longtemps. Puis deux hallebardiers
l’obligèrent à s’agenouiller, et l’un des hommes se mit à lire sur
un parchemin.
Et c’était le tribunal de l’Official !…
Et ce que lisait cet homme, c’était sa condamnation à être brûlée
vive en place de Grève et à subir la question jusqu’à ce qu’elle
eût expliqué la nature de ses relations avec les puissances
infernales. Après quoi, elle fut ramenée dans son cachot.
Des jours encore s’écoulent. Et des mois se
sont passés depuis la nuit où Renaud est parti pour
Montpellier.
Ce fut dans une des minutes où, à pas
vacillants, elle parcourait son cachot, que la porte
s’ouvrit : le geôlier livra passage à deux hommes, déposa son
falot dans un coin et s’éloigna. Marie regarda ses visiteurs et
reconnut aussitôt les deux princes.
François marcha sur Marie et lui prit la main.
Henri, aussitôt, saisit l’autre main de la victime.
– Nous sommes ici deux frères, dit alors
François, et nous nous haïssons parce que vous nous avez inspiré le
même amour. C’est une chose étrange, Marie.
– Oui, fit Henri, une chose étrange et
qui suffit pour démontrer vos relations avec les puissances
infernales. C’est pourquoi le roi veut que vous soyez
questionnée…
– Et la question, reprit François, c’est
la torture…
– La torture ! frissonna
l’infortunée.
Henri et François haletaient. Mais leurs
physionomies gardaient l’entêtement de la passion à son
paroxysme.
– Marie, reprit, François, nous vous
arracherons à la torture, au bûcher. Si vous le voulez, vous allez
sortir d’ici.
– Pour changer votre misère en splendeur,
gronda Henri, vous n’avez qu’un mot à dire. Puis, l’un de nous se
présentera seul avec vous. Car nous avons décidé de nous en
rapporter aux armes, et le vainqueur seul aura le droit d’assurer
votre bonheur.
– Répondez, Marie, grinça François.
V – GEÔLIER ET GEÔLIÈRE
Un cri, à cet instant, emplit le cachot. Les
deux frères eurent un recul. Qui
Weitere Kostenlose Bücher