Nostradamus
attendaient dans
la pièce voisine. Ils jetèrent sur les princes un regard de
curiosité.
– Cette fille, dit Henri, a d’étranges
attitudes.
– Oui, dit François elle semblait parler
à un être invisible…
Roncherolles et Saint-André se jetèrent un
regard.
– Messeigneurs, dit Roncherolles, tout à
l’heure, quand pour exécuter l’ordre de Vos Seigneuries, nous avons
jeté à la Seine ce cadavre gênant, à ce moment, nous avons entendu
une clameur qui, sûrement, ne venait pas d’un être humain.
– Et il est également vrai, ajouta
Saint-André, que nous avons vu cette fille lire en pleine nuit un
papier fermé.
François regarda Henri :
– Où allons-nous la mettre ? fit-il
d’un ton menaçant.
– Nous sommes égaux en droit !
répondit Henri. Donc, ni chez vous, ni chez moi. Je propose l’hôtel
de Saint-André.
Saint-André salua. Roncherolles pâlit de
jalousie.
– Parce qu’Albon est à vous ! gronda
François.
– Messeigneurs, dit Roncherolles,
pourquoi ne pas vous servir de mon hôtel ? Rue de la Hache, à
deux pas du Louvre, l’endroit est désert, tranquille, tout à fait
propice.
– J’accepte ! dit François.
– Va pour l’hôtel de Roncherolles !
gronda le prince Henri.
Dans la même nuit, Marie fut emmenée rue de la
Hache. Les deux princes, rentrés au Louvre, convinrent de coucher
désormais dans le même appartement, et
François I er , qui conclut de là à une amitié
naissante, en éprouva une grande joie. Catherine de Médicis, femme
d’Henri, accepta la situation sans protester.
Roncherolles s’institua le geôlier en chef de
la malheureuse Marie. Mais Saint-André exigea de s’installer dans
l’hôtel de la rue de la Hache. En sorte qu’au lieu d’un gardien, la
jeune femme en eut deux, qui jamais ne se montraient à elle.
III – LES CACHOTS DU TEMPLE
Des mois se sont écoulés… Nous pénétrerons
alors avec le lecteur, au nord-est de Paris, dans la forteresse du
Temple.
Des mois donc, se sont écoulés depuis la nuit
où Marie a épousé Renaud, jusqu’au jour où, suivant un geôlier,
brute indifférente, nous descendons un escalier qui s’enfonce dans
les entrailles du sol.
Le geôlier ouvre une porte, dépose dans un
coin du cachot une cruche pleine d’eau et un pain, puis il s’en va.
Le pain et l’eau, c’est la ration de deux jours pour la
prisonnière… Et cette prisonnière, c’est Marie.
Son visage est émacié, son pauvre corps
décharné. Elle songe à des choses d’une infinie tristesse. Parfois,
cependant, un frémissement la secoue… cette sorte de souffrance et
de joie qu’éprouve celle qui attend la venue au monde de l’être
déjà chéri alors qu’il n’est pas encore au monde…
Puis elle reprend sa morne rêverie. Est-ce
bien elle qui s’est réveillée une nuit devant deux visages
convulsés de passion ! Est-ce bien elle qui fut entraînée dans
une maison mystérieuse où, pendant dix jours, elle eut à repousser
les attaques soudaines de l’un ou de l’autre des deux
fauves !… Comme elle était brave, alors ! Comme elle
savait écarter l’homme rué sur elle !… C’est qu’elle espérait,
alors !… Renaud avait dit, Renaud
lui répétait
à
chaque instant : « Dans vingt jours, heure pour heure, tu
me reverras… »
Au bout du dixième jour, les deux frères lui
étaient apparus ensemble. François alors, avait grondé
ceci :
– Vous êtes accusée de magie. Vous êtes
accusée d’avoir lu une lettre sans ouvrir le papier, en pleine
nuit. Vous êtes accusée d’avoir parlé avec un être invisible,
d’essence démoniaque sans doute. Vous allez être conduite au
Temple, et jugée. Vous serez condamnée et brûlée vive.
Et Henri, alors, avait repris :
– À moins que vous ne consentiez à vous
adoucir. Alors, c’est la liberté, c’est la vie fastueuse. Vous
serez une grande dame de la cour.
– Conduisez-moi au Temple ! dit
Marie.
Alors, ils s’étaient retirés. Une heure plus
tard, des hommes noirs suivis de soldats étaient entrés et
l’avaient interrogée ; puis, elle avait été conduite au
Temple, sous les huées du peuple qui hurlait : « Mort à
la sorcière ! »
Marie était descendue dans son cachot sans
crainte. Elle comptait les jours qui la séparaient du retour de
Renaud :
Dans dix jours, il sera ici, en ce cachot même,
dont il m’ouvrira la porte.
Le jour indiqué par Renaud approcha enfin.
Elle compta : se sera
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