Nostradamus
à elle dans l’instant où elle
était précipitée, elle avait rassemblé ses forces pour jeter un
suprême appel !…
*
*
*
Une fois dans le logis, François et Henri
marchèrent jusqu’à la porte de la chambre où dormait Marie,
regardèrent la jeune femme. Puis, ils se retirèrent en fermant la
porte. L’heure d’une explication décisive était venue et peut-être
l’un des deux allait sortir de là, fratricide.
– Tu peux t’en aller maintenant !
gronda François.
Au grondement, un éclat de rire répondit.
Henri disait :
– Oui ! Mais à une
condition !
– Non. Tais-toi ! Va-t’en, félon,
va-t-en, traître ! Tu as juré que tu me la laisses ! Je
suis seul maître ici ! Va-t’en !…
– Je m’en vais ! dit Henri en se
dirigeant vers la porte. Je m’en vais tout droit chez le roi à qui
je crierai : « Sire, vous cherchez la fille de Croixmart
pour récompenser en elle son père, pour adopter l’orpheline !
Eh bien, en ce moment, mon frère François la viole ! Et
demain, toute la noblesse saura comment, par ses fils, le roi de
France sait récompenser et honorer la fille des serviteurs de la
monarchie morts en loyal service ! »
Henri marcha à la porte de l’escalier.
– Un pas de plus, tu es mort !…
François était entre la porte et Henri. Les
deux frères se virent face à face, le poignard à la main… Comment
ne se ruèrent-ils pas pour se lacérer, assouvir enfin cette haine
qu’ils se portaient depuis des années ? Chacun d’eux eut peur
de succomber et de laisser l’autre seul, à quelques pas de Marie
endormie…
– Voyons, la condition ! fit
François avec un soupir furieux.
– C’est que le serment qui m’a été imposé
par le seul coup de dés soit nul. C’est qu’à dater de cet instant,
la force, l’amour, la ruse, décideront seuls. Est-ce oui ? Je
reste. Nous sommes associés. Est-ce non ? Je vais au
Louvre…
– Malédiction sur toi ! rugit
François. C’est oui !…
Ils rengainèrent leurs poignards. À ce moment,
le baron de Roncherolles et le comte de Saint-André entrèrent en
disant :
– C’est fait. La vieille ne vous gênera
plus !…
II – RONCHEROLLES MONTE EN GRADE
Les deux frères se dirigèrent vers la chambre
où elle dormait. Comme ils marchaient vers le lit, Marie se
réveilla en murmurant :
– Renaud… mon bien-aimé Renaud… es-tu
là ?
Elle ouvrit les yeux et soudain, elle vit ces
deux physionomies affreuses, ravagées de haine et d’amour… Elle lut
leurs pensées sur leurs visages… l’épouvante la souleva… Ils la
saisirent, et elle retomba pantelante, avec un grand cri…
Lorsqu’ils l’eurent renversée et maintenue,
François ivre de passion, approcha ses lèvres des lèvres de la
jeune femme. Dans le même instant, il roula à trois pas, à demi
assommé par le coup de poing d’Henri… Marie d’un bond, se trouva
debout, en marche vers la porte. Mais devant cette porte, elle vit
les deux jeunes hommes !… Déjà ils s’unissaient pour la
garder !… Elle cria trois fois :
– Renaud ! Renaud !
Renaud !…
Son danger, à elle-même, ne l’effrayait pas.
Mais Renaud !… Puisqu’il n’était pas là, c’est qu’on le lui
avait tué ! De ce qui s’était passé depuis sa sortie de
l’église, une seule chose comptait : Renaud n’était pas
là !…
– Mort ? fit-elle d’un accent
tragique. Oui, sans doute. S’il vivait, il serait là. Il m’eût
entendue. Mon Renaud ? Où es-tu ? Qu’ont-ils fait de
toi ?… Mort ?… Es-tu mort ?… Réponds-moi ?
Les deux princes la considéraient avec une
morne admiration. Tout à coup, passion, admiration, disparurent de
leur esprit. Une étrange terreur les envahit. Dans l’instant même
où Marie venait de dire :
Es-tu mort ?
Réponds-moi ?
son visage se modifia brusquement. Elle
parut écouter. Elle écoutait en réalité une voix qui distinctement
lui parlait.
La voix de Renaud !… Les paroles que
Renaud
avait mises en elle…
Et ces paroles, elle les
répétait à haute voix :
–
Rappelez-vous ceci : c’est que
dans vingt jours, heure pour heure, je serai de retour.
Mais
comme cela va être long, vingt jours !…
– Elle est folle ! murmura
François.
– Non ! fit Henri tremblant. Elle
parle avec l’invisible…
Ils ouvrirent la porte, sortirent et
refermèrent à clef. Marie, peu à peu, reprenait son expression
naturelle.
Roncherolles et Saint-André
Weitere Kostenlose Bücher