Nostradamus
jusque-là aux plaisirs comme son père,
comme son frère, il se mit à s’occuper avec activité des affaires
de l’État et devint le chef de ce parti militaire qui poussait le
roi contre Charles-Quint. Le moment était d’autant mieux choisi
que, selon tous les rapports, l’empereur se préparait à envahir la
Provence.
L’expédition arrêtée quelques mois auparavant
fut activée. Henri et François furent chargés de préparer une
concentration de troupes entre Valence et Avignon. De là, sous la
direction du connétable de Montmorency, ils s’élanceraient pour
couvrir la Provence d’une digue infranchissable. Le roi prendrait
le commandement en chef de l’opération.
François avait-il réellement renoncé à
Marie ? Le remords, la pitié, enfin, étaient-ils descendus
dans son cœur ?
Un jour, Marie, au fond de son cachot,
s’amusait à lutiner le petit. Elle lui parlait. La Margotte était
près d’elle. Elle avait pris cette habitude de descendre tous les
jours une heure ou deux, et elle n’avait plus peur de la sorcière –
ni d’être damnée.
Marie ne pensait pas à Renaud : il était
sa pensée. Il vivait en elle, il faisait partie de son
existence ; elle ne pensait pas plus à Renaud qu’on ne pense à
respirer, et pourtant on respire. Ne plus avoir Renaud dans sa
pensée, vivant et présent, c’eût été la mort pour Marie. Seulement,
de moins en moins, elle se préoccupait de son
absence
matérielle.
L’enfant qu’elle avait nommé Renaud devenait le
monde où se concentrait tout ce qu’il y avait de vivant en elle.
Elle se sentait éperdue de bonheur à le sentir contre elle, à le
toucher.
– Il me griffe, dit-elle en riant, il
sera fort.
– Et beau ! dit la Margotte. Est-ce
que vous le voyez bien ?
– Je puis fermer les yeux, je le vois
tout de même.
Elles causaient ainsi, dans les ténèbres,
l’enfant entre elles deux sur de la paille fraîche, accroupies. Et
cela se passait à trente pieds sous terre. Un coup de sifflet
retentit au loin. La Margotte se leva précipitamment.
– Voilà Gilles qui me prévient !
dit-elle.
II – UNE IDÉE PRINCIÈRE
La Margotte se sauva. Marie prit l’enfant dans
ses bras, et se rencoigna dans son angle. Une lumière jaunâtre
éclaira le réduit. Henri parut et prononça :
– Vous êtes libre.
Marie tressaillit. Libre !… La lumière,
l’air pour son fils !…
– J’ai obtenu votre grâce. Franchissez
cette porte, montez cet escalier, et vous voici dehors, sur la
route.
– Monseigneur, comment ai-je fait pour
vous maudire, vous qui deviez rendre la lumière à mon
enfant ?…
De ses mains tremblantes, elle enveloppait
l’enfant dans ses langes ; elle pleurait et elle riait ;
enfin prête, elle se dirigea vers la porte. Alors, Henri l’arrêta
d’un geste et ajouta :
– Je ne vous ai pas dit : votre mari
vous attend là-haut.
Un cri atroce. Marie s’est abattue sur ses
genoux en râlant :
– Renaud !
– Oui, Renaud ! répéta Henri, les
yeux fixés sur elle.
Marie fit un effort pour se lever, mais elle
tomba à la renverse, foudroyée par la joie, en murmurant :
– Monseigneur, je vous bénis !…
L’évanouissement de Marie, provoqué par Henri,
ne dura que quelques minutes. Son premier geste fut pour serrer son
enfant. Elle songeait : « Pourvu que je ne lui aie pas
fait mal en tombant… » Elle demeura hagarde, ne comprenant
pas… Son bras avait serré à vide. L’enfant n’y était pas !
D’un bond, elle fut debout et sa main s’incrusta au bras
d’Henri.
– Mon enfant ! gronda-t-elle.
Henri, d’une voix froide, répéta :
– J’ai dit que vous êtes libre.
– Libre ?… Rendez-moi mon enfant,
que je m’en aille !…
– Brabant ! cria Henri.
Un homme apparut. Figure taillée à coups de
hache, attitude de bravo, prêt à tout faire pour qui le paye.
– Qu’est-ce que me fait Brabant ?
dit Marie. C’est mon enfant que je veux. Monseigneur, vous avez dit
que je suis libre. Est-ce qu’un fils de roi peut mentir ?
– Vous êtes libre, dit Henri. Brabant, où
est l’enfant ?…
– En sûreté, mon prince !
Marie eut un mouvement sauvage pour s’élancer
sur le bravo. Henri la jeta dans le fond du cachot. Elle
s’effondra.
– Grâce, monseigneur ! Tenez, je
reste ici. Je ne verrai plus mon mari. Mais rendez-moi mon enfant…
je vous assure…
– Brabant, interrompit Henri, je t’ai
donné un ordre. Répète un
Weitere Kostenlose Bücher