Nostradamus
Montecuculi fut condamné à être tiré à quatre
chevaux.
La veille de l’exécution arriva sans que rien
pût lui faire croire que son espoir se réaliserait. Montecuculi
déclara alors qu’il voulait faire des révélations… Une heure après
cette déclaration, un jeune gentilhomme enveloppé dans un vaste
manteau pénétra dans son cachot. Dans ce gentilhomme, le prisonnier
reconnut Catherine de Médicis. Elle lui glissa ces mots à
l’oreille :
– Rends-toi au lieu du supplice en toute
tranquillité. Le bourreau est gagné. Les chevaux ne tireront pas.
Dans le tumulte que cet incident créera, une centaine de solides
compagnons se jetteront sur toi comme pour te tuer, en
criant : « À mort ! » Mais, au lieu de te tuer,
ils te délivreront. Une barque te prendra sur le Rhône et te
descendra jusqu’à la mer. Là, un navire te conduira en Italie. Le
capitaine de ce navire te remettra trois cent mille livres qui te
suffiront pour attendre l’heure où tu viendras prendre à la cour du
roi Henri II la place qui t’est due.
Catherine s’éloigna. Lorsque se présenta le
commissaire royal envoyé pour recueillir les suprêmes révélations
du prisonnier, Montecuculi jura qu’il n’avait rien à dire.
Le lendemain matin, il fut conduit au
supplice, et chacun put admirer sa tranquillité. Le bourreau le
coucha, l’attacha sur deux planches en croix et enroula ses
poignets et ses chevilles dans quatre anneaux de fer reliés par des
chaînes à quatre chevaux.
Les chaînes se tendirent légèrement.
Montecuculi devint tout à coup livide au moment où il sentit les
chaînes tirer sur ses membres et s’apprêter pour l’effroyable
supplice. Le moine qui l’assistait leva sa croix.
– Au nom du Dieu vivant, cria le moine,
je t’adjure une dernière fois de révéler le nom de tes
complices.
Montecuculi hésitait, et ses lèvres
s’agitaient convulsivement. Il allait parler… Dans cet instant, des
cris éclatèrent : « À mort ! À mort ! »…
Un violent remous se produisit.
– On vient à moi ! Je suis
sauvé ! murmura Montecuculi. Je n’ai rien à dire, cria-t-il à
haute voix.
Le moine abaissa sa croix. Le bourreau fit un
geste. Les quatre chevaux, fouettés avec violence
s’élancèrent ; on entendit un cri épouvantable, et quelques
minutes plus tard il n’y eut plus sur les planches croisées qu’un
tas de chairs sanglantes…
– Personne au monde ne sait maintenant
comment est mort votre frère François ! murmura Catherine à
l’oreille de son mari, qui, sombre, pâle, tremblant, avait assisté
au supplice.
Elle se trompait ! Il y avait quelqu’un
au monde qui savait ! Et ce quelqu’un, c’était
Nostradamus !…
Quinze jours après ces événements, Nostradamus
fut visité par maître Pézenac, qui lui dit :
– Le roi veut vous voir. Vous allez être
conduit jusqu’à lui.
Nostradamus n’eut pas même un geste
d’indifférence. On le poussa dans un carrosse fermé, où prirent
place près de lui quatre arquebusiers. Le véhicule voyagea tout le
jour et une partie de la nuit.
Nostradamus, dans tout ce voyage, ne prononça
pas un mot. La flamme
surnaturelle
de cet esprit semblait
s’être éteinte ; Nostradamus n’était plus qu’un homme. Depuis
la terrible scène où il avait appris que Marie avait cédé à Henri
et qu’un fils était né de cette trahison, il n’essaya pas une fois
de se mettre en communication avec les êtres invisibles. Il
attendait la mort.
– Elle est morte pour moi. Morte dans
l’éternité. Comme elle a dû souffrir en se séparant de moi pour
toujours ! Je ne la maudis pas pour sa faiblesse. Je la
vengerai, et me vengerai aussi… mais dans la vie seconde que nous
eussions vécue ensemble, elle habitera une sphère et moi une autre.
Séparés à jamais ! Adieu. Marie que j’ai tant aimée…
Vers le milieu de la nuit, les chevaux
s’arrêtèrent au camp royal. On conduisit le prisonnier dans une
vaste tente sur laquelle flottait le fanion de
François I er . Le roi était là, avec quelques-uns de
ses officiers, son connétable, son fils Henri et Catherine. Il
était pâle, maigri, les yeux rouges. François I er ayant examiné le prisonnier, demanda :
– Pourquoi êtes-vous détenu à la prison
de Tournon ?
– Pour avoir sauvé une jeune fille qui se
mourait.
– Qui vous a fait arrêter ?
– Messire Ignace de Loyola.
À ce nom, le roi frémit.
François I er garda longtemps le
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