Nostradamus
précédents !… Qui est le Sphinx dans le sein
duquel je dois pénétrer ?… Qui est, où est l’Énigme qui doit
me livrer le secret suprême si ma volonté est plus forte que la
sienne ?… Où dois-je m’enfoncer dans les entrailles de la
terre ?… Il faut qu’à la dernière heure de ma vingt-quatrième
année, je me trouve devant le Sphinx… j’ai donc trois mois environ
pour comprendre la volonté de mon père et descendre aux entrailles
de la terre.
Pendant un mois, Nostradamus passa des nuits
entières devant la tombe de son père et des jours entiers enfermé
dans le laboratoire du vieux savant. Un jour, il crut avoir
trouvé !…
Ce même jour, sans perdre un instant, après
s’être muni d’or, il se rendit à cheval jusqu’à Marseille, et là,
fréta à son compte une légère tartane napolitaine. Quand il eut
fait prix pour un voyage d’environ deux mois, le patron, son bonnet
phrygien à la main, lui demanda :
– Où faut-il conduire Votre
Seigneurie ?
– En Égypte ! répondit
Nostradamus.
V – AU SEIN DU MYSTÈRE
À travers les sables brûlants du désert
égyptien, un homme s’avançait d’un pas égal, volontaire et rude,
son être se tendait vers on ne sait quoi d’énorme, qui, à
l’horizon, dressait dans le ciel sa silhouette fantastique.
Et ce quelque chose, c’était le Sphinx.
Et cet homme qui allait au Sphinx, c’était
Nostradamus.
Le dernier regard du soleil à la terre fut
terrible. Sur cette blancheur incandescente, le Sphinx se plaquait
en tons rouges et noirs. Nostradamus fixait la tête gigantesque de
l’énigme de pierre, tête de femme sur un corps de taureau, avec des
griffes de lion, des ailes d’aigle.
Très vite, la nuit emplit l’espace ; au
firmament, quelques constellations, espacées, tracèrent d’étranges
lignes géométriques.
Nostradamus continua de marcher vers le
plateau granitique sur lequel se dresse la Grande Pyramide.
La Grande Pyramide ! Le dernier tombeau
visible des civilisations disparues ! Le réceptacle du mystère
non déchiffré ! La Grande Pyramide, avec ses sous-sols, ses
couloirs, ses labyrinthes, ses chambres, ses tombes.
C’est en avant de la Grande Pyramide que se
dresse le Sphinx de Giseh. Le monstre accroupi souriait de ses
lèvres figées, et, de ses yeux de pierre, il regardait venir
l’homme.
Nostradamus arriva au Sphinx un peu avant
minuit. Il distingua une porte de bronze placée entre les jambes de
devant [5] . Nulle caravane faisant halte au pied des
pyramides n’osait toucher à ce bronze. Dans les tribus errantes, on
se racontait que, jadis, des hommes avaient connu le secret qui
permettait d’ouvrir cette porte. Mais, depuis des siècles, ce
secret était perdu. Nostradamus murmura :
– Dans quelques minutes ma
vingt-quatrième année sera accomplie. Voici le Sphinx. Et voici par
où je dois entrer dans le sein du Sphinx. Par là je dois descendre
jusqu’à l’Énigme et terrasser sa volonté par ma volonté. Ô mon
père, me voici devant la porte du Mystère. Que dois-je
faire !…
Tout à coup, il marcha à la porte, et, du
poing, frappa trois coups ; les deux premiers rapprochés, le
troisième un peu plus espacé [6] .
Dans le même instant la porte s’ouvrit.
Nostradamus entra sans crainte
apparente ; à peine eût-il franchi le seuil que la porte de
bronze se referma avec bruit. Des ténèbres enveloppèrent
Nostradamus, puis, tout à coup, une aveuglante lumière l’inonda. Il
se vit dans une salle immense autour de laquelle étaient disposés
des sarcophages de pierre polie.
Nostradamus les compta ; il y avait douze
tombeaux. Il s’avança et, comme il arrivait au centre de cette
crypte, il vit le couvercle de granit de l’un des tombeaux se
soulever lentement, puis un autre, puis tous les douze. Quand ils
furent debout, des douze tombes béantes ; se levèrent
lentement des fantômes…
La lumière s’éteignit remplacée par une
nouvelle lumière de tons verts et rouges. Nostradamus sentit une
suée glaciale ruisseler sur son visage. Mais il demeura immobile et
ferme. Les douze spectres l’entourèrent.
– Nostradamus, dit l’un d’eux, te voilà
donc revenu parmi nous pour la douzième fois en douze
siècles ? Auras-tu cette fois la force d’âme qui t’a manquée
les onze premiers siècles ?
Nostradamus répondit – et sa voix ne tremblait
pas :
– Vous dites que je suis ici pour la
douzième fois depuis douze siècles. J’ai donc
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