Nostradamus
gardes culbutés, piqua droit sur la porte… Elle était
fermée !
Le Royal jeta un regard autour de lui :
là-bas, dans la cour, une petite porte béait. Du geste, il la
désigna à ses compagnons. La bande parmi les chocs de fer, les
cris, marcha à la porte, et s’y enfonça, apocalyptique vision que
contemplait Florise du haut du perron, la figure pâle.
Le Royal de Beaurevers passa le dernier. Au
moment de repousser la porte au nez des gardes, il eut un regard
vers le perron – et ce regard se heurta à celui de Florise !
Le Royal se sentit pâlir. Dans le même instant, un coup de pique
lui déchira l’épaule, il tomba à la renverse ; Florise ferma
les yeux… Quand elle les rouvrit, elle vit que la porte était
fermée, des gardes saisissaient déjà des madriers pour
l’enfoncer.
– Laissez ! hurla Roncherolles. Ils
sont dans la souricière !
Une acclamation lui répondit. Un tonnerre de
rires. Une vocifération des gardes, les poings tendus vers la
porte.
Roncherolles disposa des gardes devant la
porte et rentra dans ses appartements, accompagné de Florise, toute
pensive. Cette porte donnait accès dans une tour isolée. Il n’y
avait pas d’autre issue.
Le Royal de Beaurevers, avec ses compagnons,
derrière la porte, se comptèrent. Ils étaient déchirés, pleins de
sang, mais vivants.
– Maintenant, dit Le Royal, barricadons
ça. Puis, mes agneaux, nous verrons à sortir d’ici, car j’ai
soif.
Ils se mirent à l’œuvre, entassant coffres sur
bahuts. Le Royal avait disparu dans l’escalier qui grimpait aux
étages.
– Il cherche à boire, dit Strapafar.
Bouracan poussait une armoire devant la
porte.
– Inutile ! fit la voix de
Beaurevers. Vous pouvez démolir. Les gardes entassent des fascines
pour nous griller ou nous enfumer. Et impossible de fuir.
– Faisons une sortie !…
– La porte est déjà encombrée de
fascines. Brabant l’a dit. Aujourd’hui, moi. Demain un autre. Il y
a une fosse au bout de toute vie. Et tenez, voici le commencement
de la fête…
Une âcre fumée commençait à rouler ses volutes
noires.
Chapitre 8 LE MAGE.
I – CATHERINE DE MÉDICIS.
Dans une vaste chambre à coucher du Louvre,
Catherine de Médicis, femme d’Henri II, roi régnant, et Ignace
de Loyola, fondateur d’un ordre qui ne comptait encore qu’une
vingtaine d’années d’existence, mais avec lequel comptaient la
royauté et la papauté étaient réunis. La chambre, c’était celle de
la reine légitime. Quant à la chambre de la reine illégitime,
c’est-à-dire de Diane de Poitiers, elle était située à l’autre aile
du Louvre. C’était une pièce immense, meublée dans le goût charmant
de la Renaissance.
Paris dormait. Un silence énorme pesait sur le
vieux palais.
– Messire, dit Catherine, il est temps
que nous partions.
Elle se couvrit d’un voile noir. La mère de
Charles IX et d’Henri III avait un peu plus de quarante
ans. L’éclatante beauté de sa jeunesse avait pris un caractère
sombre et fatal. À quarante ans, les femmes ont pris de
l’embonpoint dans l’esprit et de la lourdeur dans le corps. Mais
Catherine s’affinait. Elle était plus maigre, plus svelte.
Ignace de Loyola, voyant se lever la reine, se
leva également et s’approcha d’elle comme un monarque traitant
d’égal à égale. Bien qu’il fût presque septuagénaire, il avait
gardé cette élégance d’allure dont il ne put jamais se défaire. Il
portait un costume de cavalier en velours violet ; seulement,
sous le pourpoint, il y avait un scapulaire sur lequel était brodé
un cœur de Jésus, avec, en exergue, les quatre lettres qui ont été
le signe de la plus formidable puissance :
A. M. D. G.
Une fine rapière battait à son côté ; si
on avait tiré la lame, on eût pu lire ces mots ciselés sur le
plat :
JE SUIS LE SOLDAT DU CHRIST
Il y avait dans son visage une sorte de
sérénité. Une légère boiterie de la jambe droite ne lui enlevait
rien de cette grâce altière qu’il tâchait de dissimuler sous une
humilité d’apparat.
– Madame, dit Loyola, avez-vous
réfléchi ?
– C’est tout réfléchi, dit Catherine.
Allons messire.
Le moine l’arrêta d’un geste, et s’inclina
légèrement.
– Madame, dit-il, vous qui êtes une
grande reine, vous serez le champion de l’Église, Madame, il faut
tuer l’hérésie. Madame, il faut tuer la science, mère maudite de
l’hérésie. Madame, c’est vous que j’ai
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