Nostradamus
de haines déchaînées pour assouvir l’ambition
de messieurs de Lorraine ! Silence, monseigneur duc de
Guise ! Silence, monsieur le cardinal ! Laissez-moi
parler. Jamais, sire, moi chancelier, un tribunal d’Inquisition ne
sera régulièrement institué en France. J’ai fini.
Un morne silence accueillit ces paroles.
Loyola demeurait comme frappé de stupeur. Les courtisans tenaient
les yeux fixés sur Henri II. Nostradamus semblait dominer
cette scène qu’il avait peut-être inspirée…
Henri II, sombre, livide, était en proie
à un de ces accès de rage concentrée qui se terminaient toujours
par quelque ordre sanglant. Il roulait des projets de torture.
Enfin, il leva sur Olivier des yeux troubles. Il allait parler. À
ce moment, Nostradamus prononça tranquillement :
– Sire, supposons un instant, un seul
instant, que votre frère le dauphin François ne soit pas mort à
Tournon et qu’il occupe la place même où vous êtes… Bien mieux,
supposons que, sorti du tombeau, il entre en ce moment dans cette
salle !…
L’effet produit par ces mots sur Henri II
fut prodigieux. Il se leva tout d’un coup, il voulut parler, puis
il retomba sur son fauteuil. Nostradamus se pencha sur lui.
– Sire, murmura Nostradamus, votre frère
vous parle par ma voix. Si on n’écoute pas les morts, ils se
dressent parfois pour raconter des choses que le monde doit
ignorer…
Henri eut la force de faire un geste
impérieux. Tout le monde s’écarta. Et alors, d’une voix rauque, il
bégaya :
– Que voulez-vous dire ?
– Rien que ceci : je crois que votre
frère, en rémission de ses fautes, écouterait ce que vient de dire
votre chancelier.
– Mais pourquoi, pourquoi me parles-tu de
mon frère ! grinça Henri. Qui es-tu ! Sais-tu que je puis
te faire saisir…
– Non, sire. Votre capitaine des gardes
lui-même
n’a pas pu…
– Qui es-tu ! râla le roi.
– Un homme, sire ! Seulement, cet
homme a passé sa vie à sonder les consciences. La torche au poing,
il est descendu dans l’antre de l’Énigme, qui lui a révélé son
secret. Vous n’êtes que roi, sire et vous commandez aux vivants. Je
suis plus que roi, sire, car j’ai parlé avec les morts…
– Vous parlez avec les morts !
haleta Henri.
– Oui. Et parfois ils me disent leurs
secrets. Maintenant, sire, je m’éloigne. Ordonnez ce qu’il vous
plaira du chancelier Olivier.
Nostradamus salua le roi et se perdit dans la
foule.
– Messire, dit Henri II au
chancelier. Je verrai à étudier vos conseils. J’accepte le
successeur que vous me désignez. Vous êtes libre de vous
retirer…
– Quoi, sire ! balbutia Loyola
frappé au cœur.
– Sire, gronda le Balafré, il n’est pas
possible…
– J’ai dit, sire moine ! J’ai dit,
messieurs ! Allons, jour de Dieu, que l’on rie ! que l’on
danse ! que l’on s’amuse !…
– Je vous avais bien dit que vous vous en
tireriez ! murmura Nostradamus à l’oreille du chancelier qui
se retirait.
Et il se dirigea vers Loyola qui gagnait la
porte, éperdu.
– Eh bien ! messire, lui
demanda-t-il. Votre cœur plein de mansuétude doit approuver sans
doute que le royaume de France échappe à l’Inquisition ?
– Oui, démon, gronda le moine, tu
triomphes ! Mais tu ne seras pas toujours le maître, Satan. Le
tour de Dieu viendra !
Ignace de Loyola traça un signe de croix, puis
regarda Nostradamus. Voyant que les paroles d’exorcisme qu’il
prononçait tout bas ne produisaient aucun effet, il poussa un
soupir.
– Avant votre départ pour Rome, vous me
reverrez, murmura Nostradamus.
Le moine se retourna vivement pour répondre à
cette menaçante promesse ; mais déjà Nostradamus n’était plus
là.
IV – FLORISE FIANCÉE
Devant Henri II, à cette minute,
s’inclinait Roland de Saint-André. Et le jeune homme, achevant un
récit, disait :
– Voilà comment les choses se sont
passées. Sire, je demande justice contre le truand nommé Le Royal
de Beaurevers.
– Qu’on m’amène mon grand-prévôt, dit
Henri.
Nostradamus écoutait en souriant. Roland
s’était élancé à la recherche de Roncherolles, qu’il ne tarda pas à
amener.
– Monsieur le grand-prévôt, dit
Henri II, avez-vous connaissance d’un truand nommé Le Royal de
Beaurevers ?
– Oui, sire, dit Roncherolles, et de sa
bande, composée de quatre spadassins. Ces cinq hommes ont mérité la
mort.
– Qu’avant deux jours ils soient
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