Nostradamus
pendus,
dit le roi.
– Merci, sire ! s’écria joyeusement
Roland de Saint-André.
– Un mot, baron de Roncherolles, reprit
alors le roi d’une voix sombre. Approchez aussi maréchal… plus
près…
Autour du roi, tout le monde, y compris la
reine, s’écarta.
– Maréchal, grand-prévôt, dit-il en
baissant la voix. Je veux que ce sorcier, ce démon, soit saisi et
brûlé sur une de nos places publiques.
– Faut-il lui mettre la main à
l’épaule ? fit tranquillement Roncherolles.
– Vous n’avez donc pas vu que Montgomery
n’a pas pu ?
– Sire, donnez-moi l’ordre, et j’arrête
le diable.
– Moi aussi ! s’empressa d’ajouter
jalousement le maréchal de Saint-André.
– Oui, murmura Henri, je le sais, vous
êtes tous deux mes seuls amis depuis l’époque déjà lointaine
où…
– Où nous servions vos amours,
sire ! dit le maréchal.
– Et vous débarrassions de Renaud !
ajouta Roncherolles.
– Renaud !… balbutia Henri II…
Qu’est-il devenu ?… C’est étrange, mais, bien souvent, je
pense à celui qui était lefiancé de Marie… Vous rappelez-vous
Marie ?
– Chimères, sire ! Cet homme est
mort. Et les morts ne sortent pas de la tombe, quoi qu’en dise
Nostradamus.
– Marie ! reprit Henri d’un ton de
rêve. J’ai aimé bien des femmes. Aucune ne m’a inspiré la même
passion… Mais laissons ces souvenirs. Je ne veux pas que
Nostradamus soit arrêté ce soir dans mon Louvre. Mais le jour où
vous viendrez m’apprendre qu’il est saisi et va mourir…
– Eh bien, sire ?
– Roncherolles, ce jour-là, je vous donne
la place de François Olivier, que j’ai promise à L’Hospital…
– Sire, sire ! bégaya
Roncherolles.
– Et moi, sire ? demanda le maréchal
de Saint-André.
– Toi, je te donne cent mille écus.
Saint-André se mordit les lèvres pour ne pas
rugir de joie. Et Nostradamus qui, de loin, étudiait cette scène,
le vit pâlir.
Ni le roi, ni le maréchal, ni le grand-prévôt
ne trouvaient étrange de si belles récompenses. Tous trois
éprouvaient cette impression qu’ils se trouvaient en présence d’une
formidable puissance. Et à eux trois, roi, maréchal, grand-prévôt,
ils formaient un groupe synthétisant ces trois forces
naturelles : Épouvante, Ambition, Avarice.
Sur un signe de Roncherolles, Saint-André
reprit :
– Sire, puisque M. le grand-prévôt
et moi nous nous trouvons en présence du roi, permettez-moi
d’exposer à Votre Majesté la commune faveur que nous lui
demandons.
– Qu’est-ce ? fit Henri II à
haute voix, et d’un regard circulaire, il indiqua que le
conciliabule secret était terminé.
Les courtisans aussitôt se rapprochèrent.
Catherine, Diane de Poitiers, Marie d’Écosse reprirent leurs
places.
– De quoi va-t-il être question ?
demanda Tavannes.
– De moi ! répondit Roland de
Saint-André, pâle de joie.
– Oh ! oh ! fit La Trémoille,
le roi paraît bien sombre.
– Parlez, maréchal, dit
Henri II.
– Sire, dit alors Saint-André, vous savez
quelle lointaine amitié nous a toujours unis, M. le
grand-prévôt et moi. Nous voulons transformer cette amitié en une
alliance indestructible. Nous avons donc formé un projet pour
l’accomplissement duquel nous venons vous demander votre
agrément.
– Quel est ce projet ? fit le roi en
pâlissant.
– Il s’agit, d’un mariage entre Roland de
Saint-André, mon fils, et Florise de Roncherolles, fille du
grand-prévôt.
Tout le monde put voir que le roi fut agité
d’un tremblement. Son regard chargé d’éclairs rebondit de
Roncherolles à Saint-André. Pour la deuxième fois, d’un geste, le
roi renvoya loin de lui tout ce qui l’entourait.
– Éloignez-vous, vous aussi ! dit
Henri II à Roncherolles.
Le grand-prévôt obéit. Il prit le vicomte
Roland par le bras et l’entraîna vers sa fille Florise. Dès son
arrivée en cette salle, Roncherolles avait placé sa fille de façon
que, du fauteuil qu’il occupait, le roi ne pût l’apercevoir.
– Quelle est cette trahison ? dit
Henri II, les lèvres serrées. Prends bien garde, je t’ai fait
maréchal et je t’ai aussi gorgé de bénéfices. Or, grade, bénéfices,
argent, mon digne avare, tout cela s’évanouira comme un beau rêve
si je souffle dessus. Sans compter qu’il y a des cordes pour les
traîtres.
Saint-André était pâle. Mais il tenait
ferme.
– Tu sais que je veux cette fille,
poursuivit
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