Nostradamus
le roi. Tu m’accompagnes toutes les nuits jusqu’au logis
de Roncherolles. Tu soupires avec moi sous les fenêtres de la
belle. Tu me promets ton concours. Et tout à coup tu viens me dire
que Florise est pour ton fils. Prends garde, mon bon
Saint-André !
Nostradamus assistait à cette scène, sur
laquelle pesait son regard d’une sinistre clarté. Et en lui-même,
il rugissait :
– Oui, Henri, oui ! C’est avec ce
truand que tu as ordonné de pendre que tu te trouves en
rivalité ! Le Royal de Beaurevers rival d’Henri II, roi
de France !… Et qu’est-ce que ce Beaurevers, Majesté ?…
Votre fils ! Entends-tu, ton fils !…
– Sire, disait à ce moment le maréchal de
Saint-André, ce mariage seul peut assurer vos amours.
– Comment cela ? Explique-toi, ou je
te fais arrêter ! dit le roi, sans s’apercevoir qu’il venait
de parler haut.
– Patatras ! fit Brantôme. Le
scandale est tombé !
– Mon fils, reprit Saint-André épouse
Florise qui, dès lors, fait partie de la cour et que vous nommez au
besoin dame d’honneur. Le jour du mariage, vous donnez à Roland
mission d’aller voir ce qui se passe du côté de Metz.
– Mais, partira-t-il ?
– Je m’en charge !
Henri II jeta sur son pourvoyeur un
indéfinissable regard.
– Écoutez-moi, sire, continua le
maréchal. Il y a vingt ans et plus que je connais Roncherolles. Je
ne parle pas de son ambition. À part cela, je ne lui ai jamais
connu la moindre passion. Rien ne l’émeut. Or, Roncherolles
poignardera sa fille de ses mains plutôt que de la savoir votre
maîtresse. Il mettrait le feu à Paris pour lui éviter une larme.
Maintenant, sire, apprenez qu’il y a eu bataille dans l’hôtel du
grand-prévôt entre ses gens et un homme qui, prisonnier, a fini par
sortir de merveilleuse façon.
– Conte-moi cela, Saint-André.
Saint-André lui fit une narration très
détaillée de l’évasion de Beaurevers et de ses quatre acolytes.
– Corbleu ! cria le roi. Voilà un
brave, et je serais fâché qu’il lui arrivât malheur. Tu diras cela
à Roncherolles. Et le nom de cet Amadis ?…
– Sire, il s’appelle Le Royal de
Beaurevers.
– Quoi ! celui-là qui a gourmé ton
fils ? s’écria le roi.
– Et que vous avez ordonné de pendre haut
et court.
– N’y aurait-il pas moyen d’adoucir cette
rigueur ?
– Attendez, sire. Cette impression que Le
Royal de Beaurevers produit sur l’esprit de Votre Majesté, il l’a
produite également sur l’esprit d’une femme qui n’a pas craint
d’essayer de délivrer les cinq malandrins.
– Alors, elle aime ce jeune
héros ?
– Peut-être, sire ! En tout cas,
c’est ce que redoute son père, car cette femme, c’est Florise de
Roncherolles…
Le roi gronda un sourd juron. Son regard
s’enflamma.
– Dès que ce Beaurevers sera saisi,
bégaya-t-il, qu’on me prévienne, je veux le voir pendre !
– Soyez tranquille, sire… Le grand-prévôt
a surpris sa fille au moment où elle allait délivrer Le Royal de
Beaurevers. Il l’a enfermée et gardée à vue jusqu’à ce soir. Je ne
vous parle pas de la douleur et de la rage du grand-prévôt. À cette
situation, il ne voit qu’un remède : le mariage. Roncherolles
sait que lorsque sa fille aura juré fidélité à un homme au pied des
autels, elle tiendra son serment. Florise mariée ne lui inspirera
plus d’inquiétude. C’est pourquoi il aime mieux se broyer le cœur
en se séparant de cette enfant qu’il comptait garder près de
lui.
Le roi demeurait sombre. Il grondait des
fragments de paroles qui suffirent à Saint-André.
– Sire, termina le courtisan, Florise
mariée, nous n’avons plus rien à craindre de ce caprice de son
cœur. Et d’ailleurs le Beaurevers sera pendu. Mais cette fidélité
ne doit pas nous arrêter nous-mêmes : ce n’est pas la première
fois que nous aurons vaincu une résistance…
– C’est bon, dit Henri II, ce
mariage se fera.
Saint-André fit un signe à Roncherolles. Dans
le même instant, le roi devint très pâle. Roncherolles s’avançait,
donnant la main à Florise…
Il y eut une rumeur d’admiration. Cinquante
jeunes seigneurs comprirent à cette minute le sens de ce mot :
le coup de foudre de la passion. Diane de Poitiers regardait venir
Florise avec une sombre curiosité. Catherine frémissait. Marie
Stuart admirait avec son imagination de poète et d’artiste.
– Sire, dit Roncherolles de cette
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