Notre France, sa géographie, son histoire
22.
4 Voyez aussi, près de la ville. le marais où l'on a
élevé la colonne commémorative. Ce marais, habilement inondé tous les ans. est
couvert de beaux légumes. On attribue sa fécondité à la chair des Bourguignons.
Mais les pauvres Bourguignons furent tués sur une longueur de plusieurs lieues,
depuis Saint-Nicolas (près duquel le duc avait dressé sa batterie pour
foudroyer le chemin, que les Suisses tournèrent) jusqu'à la chapelle de
Bon-Secours , qui déjà existait. Le duc y avait mis son arrière-garde et il
la rejoignait, blessé, lorsqu'il enfonça dans l'eau faiblement glacée au
confluent des deux ruisseaux, tout près des peupliers où il avait fait pendre
Siffron.
La tradition populaire a très bien conservé le lieu. Il suffit
de regarder pour voir que le terrain se déprime à l'endroit où les deux
ruisseaux se rencontrent. Le courant et le remous empêchèrent l'eau de geler
sur ce point aussi fortement qu'an dessus et au-dessous. C'est là que Charles
le Téméraire enfonça. La colonne n'est donc pas à sa
place.
XX
SUITE DE LA LORRAINE - LES ÉVÊCHÉS DE TOUL, METZ ET
VERDUN
Metz, devenue depuis la conquête des Francs, la capitale du royaume
d'Austrasie et comprise par Charlemagne dans la Lorraine, fut reconnue, en 950,
ville libre impériale. Sous son évêque même Metz était libre comme Liège, comme
Lyon ; elle avait son échevin, ses Treize, ainsi que Strasbourg. De
l'orgueilleuse maison épiscopale de Metz, sortira la seconde race de nos rois.
La tige de la dynastie : carlovingienne fut l'évêque de Metz, Arnulf. Elle
commence en Pépin son petit-fils, et se continue en Charles Martel et
Charlemagne 1 .
Entre la grande Meuse et la petite (la Moselle, Mosula ) les
trois villes ecclésiastiques, Metz, Toul et Verdun, placées en triangle,
formaient un terrain neutre, une île, un asile aux serfs fugitifs. Les juifs
même, proscrits partout, étaient reçus dans Metz. C'était le border français entre nous et l'empire. Là, il n'y avait point de barrière naturelle
contre l'Allemagne, comme en Dauphiné et en Franche-Comté. Les beaux ballons
des Vosges, la chaîne même de l'Alsace, ces montagnes à formes douces et
paisibles, favorisaient d'autant mieux la guerre. Cette terre ostrasienne
partout marquée des monuments carlovingiens 2 ,
avec ses douze grandes maisons, ses cent vingt pairs, avec son abbaye
souveraine de Remiremont, où Charlemagne et son fils faisaient leurs grandes
chasses d'automne, où l'on portait l'épée devant l'abbesse 3 , la Lorraine offrait une miniature de
l'empire germanique. L'Allemagne y était partout pêle-mêle avec la France,
partout se trouvait la frontière. Là aussi se forma, et dans les vallées de la
Meuse et de la Moselle, et dans les forêts des Vosges, une population vague et
flottante, qui ne savait pas trop son origine, vivant sur le commun, sur le
noble et le prêtre, qui les prenaient tour à tour à leur service. Metz était
leur ville, à tous ceux qui n'en avaient pas, ville mixte s'il en fut jamais.
On a essayé en vain de rédiger en une coutume les coutumes contradictoires de
cette Babel. C'était, dès l'origine, un peuple agriculteur et commerçant qui
envoyait des blés à César dans la Gaule romaine du Midi : Lœtum fronte
severa ingenium — Auson.
Nous avons déjà vu Metz obligée de lutter avec les évêques et les ducs
de Lorraine pour sauvegarder son indépendance. Affranchie des premiers, elle
était devenue une riche république marchande. Autour de Metz s'entr'ouvraient
les routes ; mais les invasions se faisaient plus haut ou plus bas.
Derrière le rideau de montagnes qui la protégeait, elle fut plus ménagée que
les autres villes lorraines. Leur position exposée les obligeait d'être
singulièrement sages et avisées. Mais soldant les meilleurs hommes d'épée, les
plus braves aventuriers du pays, elles se trouvaient souvent compromises par
eux avec les seigneurs et même avec leur duc qui les convoitait.
Au-dessus des brouilles locales planait toujours la grande querelle.
Metz et les autres villes libres, Toul, Verdun, étaient-elles françaises ou
allemandes ? Quelle était la vraie et légitime frontière de
l'empire ? Français de langue, Allemands d'intérêts, les Messins eussent
voulu l'empire sans l'empereur. Toul et Verdun crurent plus prudent de se
mettre sous la protection
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