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Notre France, sa géographie, son histoire

Notre France, sa géographie, son histoire

Titel: Notre France, sa géographie, son histoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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cette
     population dont la petite tête porte de si lourds fardeaux ! A Sarrebourg,
     vous sentez tout à fait la France à l'air éveillé, spirituel des femmes, au
     petit vin de Moselle...
    A Longwy, la France apparaît tout aimable. La plupart des figures sont
     intelligentes, martiales, distinguées, de la grâce dans l'attitude, de la grâce
     dans le mouvement. La vivacité de nos soldats, leur pas leste, la manière
     originale dont ils sonnent la trompette et battent le tambour, la vive allure
     des postillons auxquels il n'est plus besoin de parler de pourboire pour aller
     vite, tout cela, c'est bien la France.
    Et pourtant, lorsque de la riche plaine d'Alsace, de Saverne, vous
     montez par les bois de la montagne, au sommet de la Lorraine, qu'elle vous
     semble, en comparaison pauvre et sèche ! Cette pauvreté est plus sensible
     encore dans le vaste pays qui s'étend de Metz à Phalsbourg par Saint-Avold et
     Sarre-Union. Terre stérile, pays vide ; quelques maigres bois, au loin les
     monts d'Alsace !...
    Entre Longwy et Montmédy, rien qui anime le paysage nul château nulle
     ruine sur les sommets, aucune ferme isolée qui indique la confiance. Sur les
     vastes campagnes, entre les bois et les pâturages, des villages pauvres, mais
     neufs ; on a soigneusement tout détruit.
    La Lorraine des Vosges qui nous a donné la Pucelle a un tout autre
     caractère. Cette partie élevée de la France d'où descendent de tous côtés des
     fleuves vers toutes les mers était, au moyen âge, couverte de forêts, forêts
     vastes et telles que les Carlovingiens les jugeaient les plus dignes de leurs
     chasses impériales. Dans les clairières de ces forêts s'élevaient les
     vénérables abbayes de Luxeuil et de Remiremont.
    C'est entre la Lorraine des Vosges et celle des plaines, entre la
     Lorraine et la Champagne que naquit, à Domremy, la pauvre paysanne Jeanne d'Arc
     qui devait si bien porter l'épée de la France. Jeanne n'eut point l'âpreté
     lorraine, mais bien plutôt, par son père, la douceur champenoise, la naïveté
     mêlée de sens et de finesse, comme vous la trouvez dans Joinville. En elle
     apparut, pour la première fois, la grande image du peuple sous une forme
     originale et pure. Par elle, la Lorraine se trouvait pour toujours mariée à la
     France. Le duc même, qui nous disputait les marches de la Champagne, qui avait
     un instant méconnu le roi et lié les pennons royaux à la queue de son cheval,
     maria pourtant sa fille à un prince du sang, René d'Anjou, comte de Bar,
     beau-frère de Charles VII. En même temps, il assembla les Etats de son duché,
     leur fit reconnaître la Lorraine comme fief féminin et sa fille comme
     héritière. C'était les donner à la France 1 .
    La maison de Lorraine, remuante et guerrière s'il en fut, adoucie par
     le sang d'Anjou, devait ensorceler tous les peuples. Héros de roman autant que
     d'histoire, ces princes de Lorraine devaient, en deux siècles, essayer, manquer
     tous les trônes. Aventureuse famille, rarement heureuse, toujours adorée. Je
     parle de la branche cadette qui a donné, dans les Guise, des chefs au parti
     catholique contre les calvinistes 2 .
    Nous avons vu la tentative folle de Charles le Téméraire pour
     s'emparer de la Lorraine 3 .
    Cette belle plaine de Nancy, cette ville élégante et guerrière lui
     semblait, autant et plus que Dijon, le centre naturel de l'empire bourguignon,
     il l'eût voulue pour capitale. Mais là vint s'achever le destin de la maison de
     Bourgogne.
    Vous pourrez voir à Nancy la dalle, le pavé noir où l'on
     étendit mort le grand vaincu. Elle donne encore la mesure de sa taille 4 .
    1 La Lorraine nous est venue, cependant, par morceaux.
     Le Barrois (duché de Bar, Meuse), légué à Louis XI par René d'Anjou, 1480. Les
     trois évêchés de Toul, Metz et Verdun conquis par Henri II, 1552. Le Luxembourg
     français : Thionville, Montmédy, Longwy, cédés par l'Espagne (Traité des
     Pyrénées, 1659). Le même traité nous donna Carignan. Le pays de la Sarre, ou
     Lorraine allemande, nous vint par le traité d'Utrecht, 1715. Le mariage de
     Marie Leczinska avec Louis XV nous donna la Lorraine proprement dite.
     (M me J. M.)
    2 Cependant à la fin ces Lorrains ont fait fortune en
     laissant la Lorraine pour épouser l'héritière d'Autriche. Mais cela n'est
     arrivé que lorsqu'ils ont perdu l'esprit de famille et rassuré l'Europe par une
     sage médiocrité.
    3 Voir page

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