Notre France, sa géographie, son histoire
cette
population dont la petite tête porte de si lourds fardeaux ! A Sarrebourg,
vous sentez tout à fait la France à l'air éveillé, spirituel des femmes, au
petit vin de Moselle...
A Longwy, la France apparaît tout aimable. La plupart des figures sont
intelligentes, martiales, distinguées, de la grâce dans l'attitude, de la grâce
dans le mouvement. La vivacité de nos soldats, leur pas leste, la manière
originale dont ils sonnent la trompette et battent le tambour, la vive allure
des postillons auxquels il n'est plus besoin de parler de pourboire pour aller
vite, tout cela, c'est bien la France.
Et pourtant, lorsque de la riche plaine d'Alsace, de Saverne, vous
montez par les bois de la montagne, au sommet de la Lorraine, qu'elle vous
semble, en comparaison pauvre et sèche ! Cette pauvreté est plus sensible
encore dans le vaste pays qui s'étend de Metz à Phalsbourg par Saint-Avold et
Sarre-Union. Terre stérile, pays vide ; quelques maigres bois, au loin les
monts d'Alsace !...
Entre Longwy et Montmédy, rien qui anime le paysage nul château nulle
ruine sur les sommets, aucune ferme isolée qui indique la confiance. Sur les
vastes campagnes, entre les bois et les pâturages, des villages pauvres, mais
neufs ; on a soigneusement tout détruit.
La Lorraine des Vosges qui nous a donné la Pucelle a un tout autre
caractère. Cette partie élevée de la France d'où descendent de tous côtés des
fleuves vers toutes les mers était, au moyen âge, couverte de forêts, forêts
vastes et telles que les Carlovingiens les jugeaient les plus dignes de leurs
chasses impériales. Dans les clairières de ces forêts s'élevaient les
vénérables abbayes de Luxeuil et de Remiremont.
C'est entre la Lorraine des Vosges et celle des plaines, entre la
Lorraine et la Champagne que naquit, à Domremy, la pauvre paysanne Jeanne d'Arc
qui devait si bien porter l'épée de la France. Jeanne n'eut point l'âpreté
lorraine, mais bien plutôt, par son père, la douceur champenoise, la naïveté
mêlée de sens et de finesse, comme vous la trouvez dans Joinville. En elle
apparut, pour la première fois, la grande image du peuple sous une forme
originale et pure. Par elle, la Lorraine se trouvait pour toujours mariée à la
France. Le duc même, qui nous disputait les marches de la Champagne, qui avait
un instant méconnu le roi et lié les pennons royaux à la queue de son cheval,
maria pourtant sa fille à un prince du sang, René d'Anjou, comte de Bar,
beau-frère de Charles VII. En même temps, il assembla les Etats de son duché,
leur fit reconnaître la Lorraine comme fief féminin et sa fille comme
héritière. C'était les donner à la France 1 .
La maison de Lorraine, remuante et guerrière s'il en fut, adoucie par
le sang d'Anjou, devait ensorceler tous les peuples. Héros de roman autant que
d'histoire, ces princes de Lorraine devaient, en deux siècles, essayer, manquer
tous les trônes. Aventureuse famille, rarement heureuse, toujours adorée. Je
parle de la branche cadette qui a donné, dans les Guise, des chefs au parti
catholique contre les calvinistes 2 .
Nous avons vu la tentative folle de Charles le Téméraire pour
s'emparer de la Lorraine 3 .
Cette belle plaine de Nancy, cette ville élégante et guerrière lui
semblait, autant et plus que Dijon, le centre naturel de l'empire bourguignon,
il l'eût voulue pour capitale. Mais là vint s'achever le destin de la maison de
Bourgogne.
Vous pourrez voir à Nancy la dalle, le pavé noir où l'on
étendit mort le grand vaincu. Elle donne encore la mesure de sa taille 4 .
1 La Lorraine nous est venue, cependant, par morceaux.
Le Barrois (duché de Bar, Meuse), légué à Louis XI par René d'Anjou, 1480. Les
trois évêchés de Toul, Metz et Verdun conquis par Henri II, 1552. Le Luxembourg
français : Thionville, Montmédy, Longwy, cédés par l'Espagne (Traité des
Pyrénées, 1659). Le même traité nous donna Carignan. Le pays de la Sarre, ou
Lorraine allemande, nous vint par le traité d'Utrecht, 1715. Le mariage de
Marie Leczinska avec Louis XV nous donna la Lorraine proprement dite.
(M me J. M.)
2 Cependant à la fin ces Lorrains ont fait fortune en
laissant la Lorraine pour épouser l'héritière d'Autriche. Mais cela n'est
arrivé que lorsqu'ils ont perdu l'esprit de famille et rassuré l'Europe par une
sage médiocrité.
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