Notre France, sa géographie, son histoire
le
pays en gros, ils le pillaient en détail. Il se forma dans tout le royaume des
compagnies dites d'Anglais et de Navarrais, qui se chargeaient d'en achever la
ruine sous la conduite de chefs de bandes. Ces chefs n'étaient pas, comme on
pourrait croire, des gens de rien, de petits compagnons, mais des nobles,
souvent des seigneurs. Les chevaliers du quatorzième siècle avaient une autre
mission que ceux des romans, c'était d'écraser le faible. Cette vie de trouble
et d'aventures, après tant d'années d'obéissance sous les rois, faisait la joie
des nobles. Froissart, leur historien, ne se lasse pas de conter ces belles
histoires. Il s'intéresse à ces pillards, prend part à leurs bonnes
fortunes : « Et toujours gagnaient pauvres brigands, etc. »
L'effroi était tel que les paysans ne dormaient plus. Ceux de la Loire
passaient la nuit dans les îles. En Picardie, les populations creusaient la
terre et s'y réfugiaient.
Il n'y avait plus de pouvoir en France. Le roi Jean était aux mains
des Anglais. Le peuple des villes avait vainement essayé de suppléer à
l'absence de royauté. Alors se leva à son tour le peuple des campagnes qui,
tant de siècles durant, avait langui au pied de la tour féodale. Ce que les
villes n'avaient pu faire, les Jacques le firent ils relevèrent la royauté
expirante, ils aidèrent à rétablir l'unité. De cette suprême épreuve où le pays
faillit périr, sort confuse encore, mais vivace et forte, l'idée même de la
Patrie.
La Jacquerie commencée contre les nobles, les Jacques la
continuent contre l'Anglais. Chez ce peuple simple et brute encore, demi-homme
demi-taureau, la nationalité, l'esprit militaire naissent peu à peu Sous la
rude éducation de ces guerres, la brute va se faire homme et se
transfigurer : Jacques deviendra Jeanne, Jeanne la vierge, la Pucelle.
Le mot vulgaire : un bon Français , date de l'époque des
Jacques et de Marcel. La Pucelle ne tardera pas à dire : Le cœur me
saigne, quand je vois le sang d'un Français.
Un tel mot suffirait pour marquer dans l'histoire le vrai commencement
de la France.
Ce fut le salut du roi Charles VII et celui du royaume, de sentir
qu'il n'y avait pour lui-même de sûrs que les petits, bourgeois ou laboureurs.
Laissant de côté les petits rois des châteaux qui trouvaient leur intérêt dans
la continuation de la guerre, il la confia désormais à des hommes de roture,
des hommes de paix, des Jacques Cœur, des Jean Bureau. Ils feront une si rude
guerre à la guerre, qu'elle sortira du royaume.
L'Angleterre qui nous l'avait jetée la reprit à son
bord.
A la mort de Charles VII, la libération du territoire est un fait
accompli. L'Angleterre a tout perdu en France, tout, excepté Calais.
Mais alors éclate, à l'intérieur, une autre guerre, celle des grands
vassaux de la couronne contre le roi. Philippe de Valois, homme féodal, fils du
féodal Charles de Valois, à la faveur des guerres anglaises, avait provoqué de
funestes créations d'apanages et fondé au profit des diverses branches de la
famille royale, une féodalité princière aussi embarrassante pour Charles VI et
Louis XI, que la féodalité des comtes et barons l'avait été pour
Philippe-le-Bel.
Ce sera désormais, la guerre de la France aînée, de la grande France
homogène, contre la branche cadette mêlée d'Allemagne, rivale en puissance et
l'ennemie. Cette guerre durera, tant qu'à côté du roi de France subsistera un
autre roi, le duc de Bourgogne.
Par Auxerre et Péronne, il tient de près Paris. Au Nord, il est le
dangereux gardien de notre faible barrière, la Somme. La France, de ce côté,
reste ouverte à l'étranger.
Philippe le Bon est mort (1466), Charles le Téméraire règne et ne
songe qu'à une chose, étendre encore son monstrueux empire. Au Midi, il lui
faut la Provence ; au Nord la Gueldre pour envelopper Utrecht, atteindre
la Frise. Il lui faut la Haute-Alsace, pour couvrir la Franche-Comté. Il lui
faut Cologne comme entrepôt des Pays-Bas et comme grand péage du Rhin. Il lui
faut la Lorraine pour passer du Luxembourg dans les Bourgognes. La Lorraine
était le lien de toutes ces provinces, le centre naturel de l'empire
bourguignon.
Les grands de France qui ont compris que les funérailles de Charles
VII sont leurs funérailles, tournent tous au duc comme au chef naturel des
princes et
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