Oeuvres de Napoléon Bonaparte, Tome II.
quatre ou cinq djermes armées, qui, de là, tiendra en respect toute la Haute-Égypte. Il y aura des fours et des magasins, de sorte que quelques bataillons de renfort le mettraient dans le cas de soumettre les villages qui se seraient révoltés, ou de chasser les mameloucks qui seraient revenus. Sans cela, vous sentez que si votre division est nécessaire ailleurs, cent mameloucks peuvent revenir et s'emparer de la Haute-Égypte ; ce qui n'arrivera pas si les habitans voient toujours des troupes françaises, et dès-lors peuvent penser que votre division n'est absente que momentanément. Je désirerais, si cela est possible, qu'un fort fût à même de correspondre facilement avec Cosseir.
Je fais construire, dans ce moment, deux corvettes à Suez, qui porteront chacune douze pièces de canon de 6.
Mettez la main, le plus tôt possible, à la construction de votre fort ; prenez là vos larges. Assurez le nombre de pièces nécessaires pour armer votre fort. Je désire, si cela est possible, qu'il soit en pierre.
BONAPARTE.
Au Caire, le 11 pluviose an 7 (10 février 1799).
Au Directoire exécutif.
Un bâtiment ragusais est entré le 7 pluviose dans le port d'Alexandrie : il avait à bord les citoyens Hamelin et Liveron, propriétaires du chargement du bâtiment, consistant en vins, vinaigre et draps : il m'a apporté une lettre du consul d'Ancône en date du 11 brumaire, qui ne me donne point d'autre nouvelle que de me faire connaître que tout est tranquille en Europe et en France ; il m'envoie la série des journaux de Lugano depuis le n°. 36 (3 septembre) jusqu'au n°. 43 (22 octobre), et la série du Courrier de l'armée d'Italie, qui s'imprime à Milan, depuis le n°. 219 (14 vendémiaire) jusqu'au n°. 280 (6 brumaire).
Le citoyen Hamelin est parti de Trieste le 24 octobre, a relâché à Ancône le 3 novembre et est arrivé a Navarino, d'où il est parti le 22 nivose.
J'ai interrogé moi-même le citoyen Hamelin, et il a déposé les faits ci-joints.
Les nouvelles sont assez contradictoires : depuis le 18 messidor je n'avais pas reçu de nouvelles d'Europe.
Le 1er. novembre, mon frère est parti sur un aviso. Je lui avais ordonné de se rendre à Crotone ou dans le golfe de Tarente : j'imagine qu'il est arrivé.
L'ordonnateur Sucy est parti le 26 frimaire.
Je vous expédie plus de soixante bâtimens de toutes les nations et par toutes les voies : ainsi vous devez être bien au fait de notre position ici.
Nous avons appris par Suez que six frégates françaises, qui croisent à l'entrée de la mer Rouge, avaient fait pour plus de 20,000,000 de prises aux Anglais.
Je fais construire dans ce moment-ci une corvette à Suez, et j'ai ma flottille de quatre avisos, qui navigue dans la mer Rouge.
Les Anglais ont obtenu de la Porte que Djezzar-Pacha aurait, outre son pachalic d'Acre, celui de Damas. Ibrahim-Pacha, Abdallah-Pacha et d'autres pachas sont à Gaza, et menacent l'Égypte d'une invasion : je pars dans une heure pour aller les trouver. Il faut passer neuf jours d'un désert sans eau ni herbes ; j'ai ramassé une quantité assez considérable de chameaux, et j'espère que je ne manquerai de rien. Quand vous lirez cette lettre, il serait possible que je fusse sur les ruines de la ville de Salomon.
Djezzar-Pacha est un vieillard de soixante-dix ans, homme féroce, qui a une haine démesurée contre les Français ; il a répondu avec dédain aux ouvertures amicales que je lui ai fait faire plusieurs fois. J'ai, dans l'opération que j'entreprends, trois buts :
1°. Assurer la conquête de l'Égypte en construisant une place forte au-delà du désert, et dès-lors éloigner tellement les armées de quelque nation que ce soit, de l'Égypte, qu'elles ne puissent rien combiner avec une armée européenne qui viendrait sur les côtes.
2°. Obliger la Porte à s'expliquer, et par-là appuyer la négociation que vous avez sans doute entamée, et l'envoi que je fais à Constantinople du citoyen Beauchamp sur la caravelle turcque.
3°. Enfin ôter à la croisière anglaise les subsistances qu'elle tire de Syrie, en employant les deux mois d'hiver qui me restent à me rendre, par la guerre et la diplomatie, toute cette côte amie.
Je me fais accompagner dans cette course du molah, qui est, après le muphti de Constantinople, l'homme le plus révéré dans l'empire musulman ;
Des quatre scheicks des principales sectes ; de l'émir Hadji ou prince de la caravane.
Le rhamadan, qui a commencé hier, a
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