Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III.
commandement lorsque vous verrez les choses dans un état satisfaisant.
BONAPARTE.
Rahmanieh, le 20 thermidor an 7 (7 août 1799).
Au général Destaing.
Vous avez mal fait, citoyen général, d'attaquer les Anadis, et vous avez encore bien plus mal calculé de penser que je vous enverrais de la cavalerie pour une attaque que j'ignorais et qui était contre mes intentions. Je ne vois pas effectivement pourquoi aller sans artillerie, presque sans cavalerie, attaquer des tribus nombreuses qui sont toujours à cheval, et qui ne nous disaient rien. Puisque vous pensiez que je ne devais pas tarder à arriver à Rahmanieh avec la cavalerie, il était bien plus simple de l'attendre. Je n'ai reçu votre lettre que près de Rahmanieh, et j'avais alors envoyé le général Andréossi avec toute la cavalerie et deux pièces de canon à la poursuite des Ouladis. Je ne sais pas s'il les rencontrera et ce qu'il fera. Vous nous avez fait perdre une occasion que nous ne retrouverons que difficilement. Nous nous étions cependant bien expliqués à Alexandrie, de commencer à traiter avec les Anadis pour pouvoir les surprendre ensuite avec la cavalerie. J'imagine que les Arabes seront actuellement bien loin dans le désert. Au reste, je laisse l'ordre à Rahmanieh, au général Andréossi, de protéger, avec la cavalerie et les dromadaires, les opérations qui pourraient être nécessaires pour éloigner les Arabes, en supposant qu'ils ne seraient pas acculés dans le désert.
BONAPARTE.
Au Caire, le 23 thermidor an 7 (10 août 1799).
Au directoire exécutif.
Siège du fort d'Aboukir.
Le 8 thermidor, je fis sommer le château d'Aboukir de se rendre : le fils du pacha, son kiaya et les officiers voulaient capituler ; mais ils n'étaient pas écoutés des soldats.
Le 9, on continua le bombardement.
Le 10, plusieurs batteries furent établies sur la droite et la gauche de l'isthme : plusieurs chaloupes canonnières furent coulées bas, une frégate fut démâtée, et prit le large.
Le même jour, l'ennemi, commençant à manquer de vivres, se faufila dans quelques maisons du village qui touche le fort : le général Lannes y étant accouru fut blessé à la jambe ; le général Menou, le remplaça dans le commandement du siége.
Le 12, le général Davoust était de tranchée ; il s'empara de toutes les maisons où était logé l'ennemi, et le jeta dans le fort, après lui avoir tué beaucoup de monde. La vingt-deuxième demi-brigade d'infanterie légère et le chef de brigade Magni, qui a été légèrement blessé, se sont parfaitement conduits. Le succès de cette journée, qui a accéléré la reddition du fort, est dû aux bonnes dispositions du général Davoust.
Le 15, le général Robin était de tranchée : nos batteries étaient sur la contrescarpe ; nos mortiers faisaient un feu très-vif ; le château n'était plus qu'un monceau de pierres. L'ennemi n'avait point de communication avec l'escadre, il mourait de soif et de faim ; il prit le parti, non de capituler (ces gens-ci ne capitulent pas), mais de jeter ses armes, et de venir en foule embrasser les genoux du vainqueur. Le fils du pacha, le kiaya et deux mille hommes ont été faits prisonniers.
On a trouvé dans le château trois cents blessés, dix-huit cents cadavres. Il y a telle de nos bombes qui a tué jusqu'à six hommes. Dans les premières vingt-quatre heures de la sortie de la garnison turque, il est mort plus de quatre cents prisonniers, pour avoir trop bu, et mangé avec trop d'avidité.
Ainsi cette affaire d'Aboukir coûte à la Porte dix-huit mille hommes et une grande quantité de canons.
Pendant les quinze jours qu'a duré cette expédition, j'ai été très-satisfait de l'esprit des habitans d'Egypte : personne n'a remué, et tout le monde a continué de vivre comme à l'ordinaire.
Les officiers du génie Bertrand et Liédot, le commandant de l'artillerie Faultrier, se sont comportés avec la plus grande distinction.
BONAPARTE.
Au Caire, le 24 thermidor an 7 (11 août 1799).
Au général Desaix.
J'ai été peu satisfait, citoyen général, de toutes vos opérations pendant le mouvement qui vient d'avoir lieu. Vous avez reçu l'ordre de vous porter au Caire, et vous n'en avez rien fait. Tous les événemens qui peuvent survenir ne doivent jamais empêcher un militaire d'obéir, et le talent, à la guerre, consiste à lever les difficultés qui peuvent rendre difficile une opération et non pas à la faire manquer. Je vous dis ceci pour
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