Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
golf, le capitaine Francisco Elvira Alvárez, de lui remettre les
documents. Le capitaine Elvira refusa. Poliment, il expliqua que ces documents
étaient enfermés dans son coffre-fort à l’Office de la marine, au
17 Avenida de Italia, et qu’ils y resteraient jusqu’à ce qu’il reçoive des
ordres de Cadix sur ce qu’il devait en faire. Elvira était un homme enjoué,
loquace et sociable. Il aimait bien Clauss, était heureux de participer aux
dîners organisés par le consul allemand et de profiter de son hospitalité au club
de golf de Huelva. Mais il n’y avait pas de preuve qu’il était à la solde de
Clauss. Elvira était aussi très à cheval sur le règlement, il était « très
strict en matière de discipline » et c’était un fervent défenseur de la
hiérarchie. Il attendrait les instructions de ses supérieurs.
Le 2 mai 1943, à midi, un groupe d’endeuillés,
officiels et officieux, publics et secrets, se réunirent pour les funérailles
et l’enterrement du major William Martin. C’était une journée d’une
« chaleur suffocante », d’après le journal local. Pourtant beaucoup
de gens étaient venus assister à la cérémonie. L’Angleterre était représentée
par Francis Haselden, le vice-consul, et Lancelot Shutte, un dirigeant d’une
compagnie minière britannique qui avait déjà été expulsé une première fois
d’Espagne par le gouverneur Miranda sur des soupçons d’espionnage. Il y avait
aussi le Français Pierre Desbrest, un Gaulliste et ami de Haselden.
Officiellement, Desbrest était le représentant en Espagne d’une société
française d’extraction de pyrites. Moins officiellement, il organisait une voie
souterraine d’acheminement des membres des Forces Françaises Libres de la
France occupée vers l’Afrique du Nord en passant par l’Espagne et il conspirait
avec Haselden contre les Allemands. Le commandant du port, Elvira, et le juge
naval, Pascual del Pobil, assistaient en uniforme d’apparat de la marine. Le
gouverneur militaire de Huelva était à Séville, pour rencontrer le général
Franco, mais il envoya un lieutenant de l’armée pour représenter les forces
armées espagnoles.
Glyndwr Michael était mort sans personne pour le pleurer.
Ses funérailles, sous une autre identité, se déroulèrent avec les honneurs
militaires, et toute la cérémonie et la solennité que Huelva pouvait rallier.
En plus des huiles officielles et militaires, une petite foule de civils
s’était rassemblée au cimetière de Nuestra Señora de la Soledad : les
curieux, les pieux et les clandestins. Haselden ne sembla pas avoir repéré la
haute et cadavérique silhouette d’Adolf Clauss dans la foule. Clauss
affirmerait plus tard qu’il s’était uniquement rendu aux funérailles en qualité
de vice-consul allemand, « comme marque de respect envers le soldat tombé
au combat ». Mais en vérité, il était là pour observer, pour voir s’il n’y
avait pas d’informations utiles à récupérer à propos du mort et de son
intrigante mallette.
Le certificat de décès, rempli par le directeur funéraire
Candela, marquait officiellement le passage de la vie au trépas de « W. Martin,
ayant entre trente-cinq et quarante ans, originaire de Cardiff (Angleterre)
[sic], officier de marine britannique, découvert sur la plage dite de « La
Bota » à neuf heures et demie, le 30 avril 1943. Mort par
noyade. » Après un bref service funéraire dans la chapelle du cimetière,
le cercueil fut transporté sur l’allée pavée et une belle avenue bordée de
cyprès, jusqu’à la section du cimetière qui se nommait San Marco. Des
hirondelles volaient et viraient entre les palmiers, et le lourd parfum du
jasmin montait dans la chaleur de la mi-journée. La procession funéraire passa
devant les grands et imposants mausolées des riches familles espagnoles de
Huelva, tombes de marbre entourées de grilles. C’est là que se trouvait la
tombe du plus célèbre enfant de Huelva, Mignel Biez, « El Litri », un
toréador tué d’un coup de corne en 1929. La gigantesque et ostentatoire pierre
tombale de Litri représente le matador portant « l’habit de
lumière ».
Plus la procession approchait de l’angle Nord-Ouest du
cimetière, plus les tombes devenaient petites et humbles. Les pauvres et les
indigents de Huelva étaient enterrés dans la section San Marco. Haselden avait
demandé un enterrement de « cinquième classe », le moins
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