Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
Les services secrets allemands implantés dans la péninsule
ibérique concentraient désormais tous leurs efforts sur l’obtention des
documents que les Anglais s’efforçaient de récupérer avec la même
détermination.
Clauss insistait sur le fait qu’il pouvait toujours se
procurer les documents par l’intermédiaire de ses contacts espagnols. Il
ordonna au colonel Santiago Garrigos de se rendre immédiatement à Séville et de
prendre contact avec un collègue de la Guardia Civil, le major Luis Canis, un
homme que l’agent Andros décrivait comme « très pro-Allemand et à la solde
des Allemands ». Canis était probablement le contact le plus important de
Clauss. « Cet individu, rapporta l’espion de Hillgarth, qui est totalement
contrôlé par les Allemands, est chargé des services du contre-espionnage au
quartier général du capitaine général à Séville et donc de toute
l’Andalousie. » En théorie, Canis était chargé de repérer les activités
d’espionnage visant l’Espagne ; mais, en réalité, c’était un employé de
l’Abwehr. Garrigos lui exposa la situation et l’informa, de la part de Clauss,
« de faire tout son possible pour obtenir des copies des documents, en
profitant de sa position officielle ». Le dirigeant du contre-espionnage
de la région pourrait raisonnablement faire valoir son intérêt sur tout ce qui
viendrait à s’échouer sur la côte et qui aurait valeur de renseignement. Canis
choisit l’un de ses officiers subalternes de l’unité de contre-espionnage et
lui dit de se rendre à San Fernando, où les effets du major Martin étaient
actuellement entre les mains des autorités navales de Cadix. « L’incitant
à faire preuve de la plus grande discrétion », Canis demanda à son
officier de fureter au quartier général de la marine, d’y parler avec le
commandant et d’obtenir, par quelque moyen que ce soit, « des informations
précises sur le contenu des documents ».
Il y parvint presque. Une personne du quartier général de
Cadix accepta de photographier le contenu de la mallette : les lettres,
les photographies et les épreuves du livre de Hilary Saunders sur les
commandos. Toutefois, cette personne refusa platement d’ouvrir les lettres,
« soit parce qu’ils avaient peur de briser les sceaux de crainte que le
ministre de la Marine désapprouve leur initiative soit, plus probablement,
parce qu’ils ne savaient pas comment les ouvrir sans laisser de trace ».
L’amiral Moreno était connu pour sa sympathie envers les Anglais ; s’il
découvrait que les lettres officielles avaient été ouvertes sans son
autorisation, le ministre piquerait une crise. Il apparut que le commandant de
la marine à Cadix n’était pas aussi pro-Allemand que les Anglais le pensaient.
Il refusa de remettre les lettres et l’officier de Canis fut
envoyé promener, non sans une poignée de photographies sans la moindre valeur.
« Peut-être à cause du rang subalterne de son émissaire, parce que cette
personne avait agi avec une discrétion excessive ou encore parce que c’est la
procédure habituelle dans la marine, qui sait ? De retour à Séville, il
avoua qu’il n’avait pas été capable d’obtenir d’informations. Il déclara que
les autorités navales lui avaient dit que si le capitaine général de Séville
voulait des informations sur les documents, il devait s’adresser au ministère
de la Guerre à Madrid. »
Furieux et embarrassé, Canis se prépara à se rendre à Cadix
et à se confronter en personne aux autorités navales. Mais c’était déjà trop
tard.
L’amiral Moreno, le ministre de la Marine, avait envoyé des
ordres clairs afin que la mallette et son contenu soient « transmis, sans
avoir été ouverts, à l’Amirauté, à Madrid » et ils étaient en route, sous
la garde d’un fonctionnaire du bureau du commandant de la marine, à Cadix.
Adolf Clauss n’était pas parvenu à intercepter les documents à Huelva ;
son agent Luis Canis n’était pas parvenu à les obtenir à Cadix ; c’était
maintenant au tour de Karl-Erich Kuhlenthal d’essayer de les intercepter à
Madrid, et vite. Les objets appartenant au major Martin étaient entre les mains
des Espagnols depuis plus d’une semaine. Les Britanniques faisaient apparemment
tout leur possible pour les récupérer et tôt ou tard, les autorités espagnoles
devraient obtempérer pour éviter une querelle diplomatique, même si c’était
bien la
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