Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
de l’écurie de
Garbo était Dick, un Sud-Africain anti-communiste recruté en 1942 par Pujol,
« qui lui avait promis un poste important dans la nouvelle organisation
mondiale d’après-guerre » s’il voulait bien espionner pour le compte de
l’Allemagne. Dick avait été repris par le War Office « pour son don pour
les langues » et envoyé au quartier général allié à Alger. Pujol lui
fournit de l’encre secrète et le Sud-Africain ne tarda pas à transmettre les
informations de Garbo à Kuhlenthal en Espagne, en prévision du débarquement
imminent. Les Allemands étaient « ravis de leur nouvelle recrue ».
Pour détourner l’attention de la Sicile et pour disperser davantage les forces
allemandes qui y étaient présentes, l’agent n o 6
« spéculait que d’après certains documents dont il avait eu connaissance
lorsqu’il travaillait dans le service des renseignements au quartier général,
le débarquement aurait probablement lieu à Nice et en Corse ». Peu après,
Dick parvint à « voler des documents relatifs au débarquement
imminent » et promit de les transmettre à Pujol caché dans un colis de
fruits.
Mais le 5 juillet, Garbo transmit de tristes nouvelles
à Kuhlenthal : la « femme hors mariage » de Dick, Dorothy,
l’avait informé que l’agent n o 6 avait été tué dans un
accident d’avion en Afrique du Nord. Les Allemands avaient perdu un espion clé
juste au moment où il trouvait son rythme. Évidemment, cette petite tragédie
était purement fictive. Dick et Dorothy n’existaient pas. L’espion imaginaire
avait été éliminé à cause d’une mort bien réelle : celle de
l’« officier qui servait de scribe, pour l’agent n o 6
qui fut victime d’un accident aérien alors qu’il rentrait de permission en
Écosse ». Dick avait une écriture très particulière. Le MI5 se demandait
s’il fallait « prétendre que l’agent s’était fait mal à la main droite et
était donc obligé d’écrire de la gauche ou d’essayer d’imiter son
écriture ». Comme aucune des deux options ne paraissait sûre, Dick,
l’espion Sud-Africain qui n’avait jamais existé, fut sommairement exécuté.
Malgré l’étroit dispositif de sécurité qui entourait la
campagne de Sicile, et les gros nuages de désinformation diffusés par
l’opération Barclay et les agents doubles, les services de renseignement
allemands et italiens finiraient inévitablement par remarquer les signes de
l’invasion imminente : les navires-hôpitaux rassemblés à Gibraltar ;
les 8 millions de brochures larguées sur la Sicile avertissant que Hitler
était un allié inconstant : « L’Allemagne se battra jusqu’au dernier
Italien. » Encore plus significatif, l’île fortifiée de Pantelleria, à
cent kilomètres au Sud-Ouest de la Sicile, se rendit le 11 juin au bout de
trois semaines de bombardements au cours desquels 6 400 bombes furent
larguées. L’offensive sur Pantelleria, nommée « opération Corkscrew »
(tire-bouchon), était le prélude évident à un débarquement à grande échelle en
Sicile, puisque sa capture fournirait aux Alliés une base aérienne à portée de
la grande île. À Londres, on craignait que la prise de l’île « révélerait
le pot aux roses ». L’agent double Gilbert dit à ses officiers traitants
de « ne pas s’alarmer car l’attaque sur Pantelleria n’était qu’une
feinte » et la véritable attaque se produirait ailleurs.
Pourtant, du côté allemand, on anticipait correctement ce
qui allait se produire et les messages déchiffrés à Bletchley Park suggéraient
que les Allemands étaient de plus en plus inquiets concernant la Sicile. Même
Karl-Erich Kuhlenthal, qui observait cela depuis l’Espagne, commençait à se
demander si les plans décrits dans les lettres interceptées avaient changé.
Après la prise de Pantelleria, Kuhlenthal « reçut de plus en plus de
rapports signalant que la Sicile serait la prochaine cible d’un débarquement.
De nombreux rapports en ce sens furent envoyés à Berlin, mais la validité de
telles informations était réfutée. » Six semaines avant le Jour J, le
maréchal Albert Kesselring, le malin commandant allemand en Méditerranée,
pensait que le point le plus probable de l’attaque serait la Sicile. Cependant,
la majeure partie du haut commandement allemand semblait s’obstiner à croire
que les principales offensives se produiraient en Méditerranée
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