Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
des morts. « Ce fut une excellente croisière, écrivit-il
lorsqu’il décrivit le voyage infernal jusqu’en Sicile. Lorsque nous ne vîmes
plus la terre, on nous raconta les détails du plan : la date, l’heure et
tout le reste. Nous avions des cartes, des plans, des modèles, un exemplaire du Guide du soldat en Sicile et une copie du message de Monty. » Drick
fut particulièrement impressionné par l’officier de la Navy qui briefa les
troupes sur l’importance stratégique de la Sicile. « Il était excellent.
Il ressemblait à une version masculine de Noël Coward. » Le rôle du major
Leverton consistait à placer sa batterie de campagne sur la plage et à abattre
tous les avions ennemis qui attaqueraient les forces de débarquement.
Leverton ne dormait pas. « Je suis monté sur le pont
juste avant le coucher de soleil et je pouvais voir assez clairement les
montagnes de Sicile au loin. » Le vent commençait à tomber. « La mer
avait été très mauvaise tout l’après-midi, mais elle s’était calmée. Je suis
persuadé que c’était un miracle. » Les soldats s’étaient déjà mis au
travail en griffonnant à la craie divers messages humoristiques sur les barges
de débarquement : « Aller-retour sur la journée vers le Continent »
et « Voir Naples et mourir ». Peu avant minuit, Leverton observa les
bombardiers qui passaient au-dessus de sa tête, tractant des planeurs remplis
de parachutistes prêts à passer à l’attaque. « J’étais tout seul sur le
pont à ce moment-là. Je m’étais souvent demandé ce que je penserais quand la
fête allait commencer. Je fus déçu de constater que je n’ai absolument rien
ressenti. Même si j’étais parfaitement conscient que beaucoup de gens que je
connaissais se feraient tuer et que j’étais peut-être moi-même sur le point de
casser ma pipe, cela ne m’inquiétait pas. Je ne me sentais ni excité ni
héroïque ni quoi que ce soit de cet ordre. J’avais l’impression de regarder une
pièce de théâtre. »
Drick redescendit gaillardement pour une dernière main de
bridge (« un joli petit chelem ») et un autre Caramello.
Au même moment, à quelques miles de là, dans l’obscurité,
Bill Jewell préparait la scène du dernier acte de la pièce. Immergé, l’équipage
avait entendu s’estomper le bruit des hélices de l’E-boat tandis que le
torpilleur s’éloignait. Après avoir patienté encore vingt minutes, le Seraph refit prudemment surface. Le navire allemand avait disparu. Peut-être se
tenait-il en embuscade. Dans ce cas, il faudrait se battre. Il restait
maintenant moins d’une heure. « Il n’était plus temps de plonger –
cette foi, il fallait poser la bouée. » Le vent était tombé, mais la mer
était toujours agitée, rendant le largage de la bouée de guidage « trois
fois plus difficile qu’il aurait dû l’être ». Juste après minuit, la bouée
fut remontée sur le pont pour la deuxième fois et larguée précisément au point
indiqué, à 900 mètres de la côte. Jewell entendit alors pour la première
fois le bourdonnement sourd dans le ciel au-dessus de lui. Jusque-là, le
vrombissement avait été masqué par le vent. « Des avions invisibles
rugissaient par centaines dans les cieux obscurs. C’était l’avant-garde du
débarquement. “Débarquement !” Quel mot électrisant. »
Pour la première fois, Jewell se demanda si la victoire
était finalement en vue : « Le débarquement en Sicile serait un grand
pas en direction de l’Europe, et un petit pas sur la route de Berlin »,
remarqua-t-il. S’il réussissait. Les mêmes pensées se faisaient écho parmi les
troupes. Un journaliste américain qui faisait la traversée avec la 5 e division
écrivit : « Beaucoup d’hommes sur ce bateau pensent que l’opération
sera déterminante pour l’issue de la guerre, qu’elle s’enlise dans une impasse
ou qu’elle marque un tournant décisif. »
Jewell entendit plusieurs fortes explosions et, se tournant
vers la terre, il vit « de grands incendies se déclarant dans toutes les
directions ». Les parachutistes qui avaient survécu au vol et à
l’atterrissage étaient à l’œuvre. Au même moment, par-delà le bruit des
détonations et du vrombissement des avions, Jewell distingua un autre bruit. Le
vent était complètement tombé, comme à son habitude en Méditerranée et il
pouvait maintenant entendre « les légers battements des moteurs
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