Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
l’impression
d’être habillé de manière adéquate, écrivit le major Leverton. J’ai donc conçu
une tenue spéciale pour un débarquement, composée d’une fine chemise, de mon
short de bain bleu Jantzen, d’une paire de chaussons de gymnastique bleus et
d’un casque. C’est un excellent costume que je recommande vivement. »
Alors qu’il pleuvait des bombes, cet héroïque fossoyeur
anglais était assis dans sa propre tombe, portant un maillot de bain et un
casque et buvant une bonne tasse de thé. Il était à la fois ridicule et
sacrément magnifique.
Mussolini fut réveillé par un colonel à six heures du matin
qui lui apprit que le débarquement en Sicile avait commencé. Il Duce était confiant : « Renvoyez-les à la mer. Sinon, clouez-les sur la
côte. » Il avait raison depuis le début : la Sicile était la cible
évidente. « Je suis certain que nos hommes vont résister. D’ailleurs, les
Allemands envoient des renforts, dit-il. Nous devons avoir confiance. »
Jamais confiance n’a été aussi mal placée. À la fin de la
journée, plus de 100 000 soldats et 10 000 véhicules
étaient hors service. Les Italiens se rendirent en nombre, se contentant
souvent de se débarrasser de leur uniforme et de s’en aller, parfois en
courant. Les Alliés furent souvent accueillis par des acclamations et non par
des balles. La 8 e armée britannique avait estimé subir quelque
10 000 victimes au cours de la première semaine ; un septième
seulement de ce chiffre fut tué ou blessé. La Navy avait anticipé la perte de
300 navires au cours des deux premiers jours ; à peine une douzaine
coula.
À 23 heures, la veille, André Latham, l’agent Gilbert,
avait envoyé un télégramme à ses officiers traitants allemands :
« Très important. Ai appris d’une source fiable qu’une vaste force est en
route pour la Sicile. Le débarquement est imminent. » Il ne faisait que
confirmer ce que les Allemands savaient déjà, car la première grosse alerte
avait atteint les unités côtières italiennes plusieurs heures avant que Jewell
ne largue sa bouée de guidage. Il était alors bien trop tard pour prendre des
mesures adéquates et le bombardement du réseau téléphonique sicilien empêcha de
nombreuses unités d’être informées avant que l’attaque n’ait été déjà bien
entamée. Certains allèrent se coucher en supposant que l’ennemi ne serait pas
aussi irréfléchi pour attaquer au beau milieu d’une tempête. Le commandant
italien en Sicile s’attendait à une attaque. D’ailleurs, les services de
renseignement italiens ne crurent pas autant à l’intoxication que leurs
homologues allemands. Pourtant, en partie à cause de l’opération Derrick, la
désinformation secondaire, ils s’attendaient à une offensive à l’Ouest, et non
au Sud.
Comme prévu, la réaction des divisions allemandes,
stationnées sur l’île, fut plus vigoureuse. Mais quand les Allemands
contre-attaquèrent dimanche 11 juillet, ils avaient déjà perdu trop de
temps et la tête de pont alliée était déjà fermement ancrée. Des Spitfire
attaquèrent le quartier général sicilien de la Luftwaffe, désorientant ce qu’il
restait des défenses aériennes allemandes au moment crucial. Le maréchal Kesselring
avait envoyé la 15 e division blindée pour intercepter le
débarquement attendu dans l’Ouest de l’île, laissant les Panzers de Hermann
Goering absorber le plus fort de l’assaut. Les Allemands ne tentèrent même pas
de cacher leur dégoût tandis que les troupes italiennes s’évanouissaient dans
la nature et que les défenses côtières s’effondraient comme des châteaux de
sable dans la tempête. Un message envoyé à Berlin au lendemain du débarquement
rapporta « l’échec complet des défenses côtières » et nota amèrement
qu’« une grande partie de la police locale et des autorités civiles prit
la fuite face à la progression de l’ennemi. À Syracuse, le débarquement
provoqua des pillages et des émeutes de la population qui traita le
débarquement avec indifférence. » Tant d’Italiens se rendirent au cours
des deux premiers jours que les longues files de prisonniers ralentissaient les
troupes en marche. Kesselring se plaignit que « des soldats italiens à
moitié vêtus battaient la campagne dans des camions volés ».
À 17 heures 15, l’après-midi du Jour J,
Kesselring ordonna à la division Hermann Goering d’« attaquer et
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