Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
saboteurs
espagnols à Gibraltar et dans sa région par l’intermédiaire du colonel Rubio
Sánchez, qui portait le nom de code « Burma », et qui était le chef
des renseignements militaires de la région d’Algésiras. Sánchez distribuait
quelque 5 000 pesetas par mois aux saboteurs de Gibraltar et de ses
environs. Jusqu’à présent, les dégâts étaient limités car, comme le souligna le
chef du MI5 à Gibraltar, les « instincts mercenaires [des saboteurs]
prévalaient sur leur efficacité ou leur enthousiasme ». Montagu pensait
que les services spéciaux étaient parvenus à faire échouer plusieurs tentatives
de sabotage, mais la menace présentée par l’espionnage allemand au Sud de
l’Espagne ne cessait de croître. Dans le premier mois de l’opération Mincemeat,
Montagu avertit que les activités de sabotage « avaient augmenté et
s’étaient répandues » et qu’elles étaient désormais pratiquées activement
par les nazis et leurs collaborateurs « dans tous les ports espagnols et
administrés par des Espagnols ».
Jusque-là, pour Adolf Clauss, la guerre s’était montrée
plutôt agréable et productive. À Madrid, comme à Berlin, il était tenu en haute
estime. On disait qu’il était « l’un des agents allemands les plus
importants, les plus actifs et les plus intelligents du Sud de l’Europe ».
Même le NID et le MI6 admiraient son don pour la manipulation. Son réseau
d’espions et d’informateurs s’étirait de Valence à Séville. Si un objet
important ou présentant un intérêt quelconque s’échouait dans un rayon de
quatre-vingts kilomètres du Café del Palma , sans parler d’un cadavre
transportant des documents, Clauss en entendrait certainement parler. Le zèle
de l’espion allemand se retournerait contre lui. Plus tard, si l’opération
réussissait, les preuves des activités d’espionnage de Clauss seraient si
flagrantes qu’elles pourraient être utilisées pour enflammer une querelle
diplomatique et, avec un peu de chance, « des preuves suffisantes
pourraient être réunies pour contraindre les Espagnols à l’expulser ». Il
fut convenu que Huelva serait la cible et que si, par voie de conséquence,
l’antipathique Clauss pouvait s’en trouver affaibli, s’il pouvait passer pour
un imbécile et être expulsé d’Espagne, ce serait encore mieux.
Une note fut envoyée à l’hydrographe de la Royal Navy, le
dépositaire officiel de la documentation technique maritime, pour lui soumettre
une requête déguisée : si un objet était largué au large des côtes
espagnoles, près de Huelva, dériverait-il jusqu’à la terre sous l’action des
marées et des vents dominants ? Au même moment, Gómez-Beare reçut l’ordre
de se rendre en avion jusqu’à Gibraltar et d’y informer l’officier général et
son officier d’état-major des grandes lignes du plan. « Ils devront être
mis au courant, expliqua Montagu, au cas où le corps ou les documents se
retrouvent à Gibraltar. » Avant de rentrer à Madrid, Gómez-Beare devait
rendre visite aux consuls britanniques à Séville, Cadix et Huelva et les
informer que « l’échouage d’un corps dans leur zone devait être signalé à
l’attaché naval à Madrid, Alan Hillgarth, et à aucune autre autorité
britannique ». Francis Haselden, consul à Huelva, « devait connaître
les grandes lignes du plan, sans description de son objet ». Ensuite,
Gómez-Beare devait retourner à Madrid pour faire un rapport complet à son chef.
Le capitaine Alan Hillgarth devait orchestrer le pan
espagnol de l’opération et nul n’était mieux armé pour cette tâche.
9
Mon cher Alex
Même l’esprit retors de Charles Cholmondeley ne parvenait
pas à venir à bout du problème du transport du cadavre de Londres à l’Espagne,
et de sa mise à l’eau, sans être repéré et en faisant croire qu’il s’agissait
d’une victime d’une catastrophe aérienne. D’après lui, il y avait quatre
méthodes possibles pour acheminer le major Martin à destination. Le corps
pouvait être transporté à bord d’un navire de surface, le plus simple étant
d’utiliser l’un des escorteurs accompagnant les navires marchands qui entrent
et sortent du port de Huelva. Cette option fut rejetée, « en raison de la
nécessité de laisser le corps près de la côte ; rien n’attirait plus
sûrement l’attention d’Adolf Clauss et de ses espions qu’un navire de la Royal
Navy s’attardant
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