Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
Une extrémité était soudée,
tandis que l’autre était fermée par un couvercle étanche, en acier, qui se
vissait sur un joint en caoutchouc et était maintenu en position par seize
boulons. Une poignée rabattable était fixée à chaque extrémité et une clé
tubulaire était enchaînée au couvercle pour en faciliter l’ouverture.
Cholmondeley estimait que la totalité du colis pèserait environ 180 kilos,
avec le corps, et qu’il pouvait parfaitement se loger dans le caisson hyperbare
d’un sous-marin. Sir Bernard Spilsbury fut à nouveau consulté. Il expliqua
que l’oxygène était la cause d’une décomposition rapide. Mais « si
l’oxygène avait préalablement été extrait » du tube par injection de neige
carbonique, le coffre serait complètement hermétique. Si, de surcroît, le corps
était enveloppé de neige carbonique, le cadavre serait « conservé de
manière parfaitement satisfaisante », et il resterait aussi froid qu’il
l’avait été dans la morgue. Fraser-Smith avait donc pour mission de concevoir « une
énorme bouteille Thermos », suffisamment fine pour être placée dans la
chambre des torpilles. Les plans furent remis au ministère de la Production
d’avions à qui l’on demanda de construire ce conteneur aussi vite que possible,
sans en connaître l’usage. À l’extérieur du coffre seraient inscrits les mots
suivants, au pochoir : « ATTENTION FRAGILE – INSTRUMENTS
OPTIQUES – COLIS FOS SPÉCIAL. »
Entre-temps, Montagu avait contacté l’amiral Sir Claud
Barry, officier général chargé des sous-marins ( Officer in command of
Submarines ou FOS) pour savoir quel sous-marin conviendrait le mieux à la
mission. Barry répondit que les sous-marins anglais passaient souvent au large
de Huelva lorsqu’ils faisaient route vers Malte. D’ailleurs, le sous-marin HM Seraph se trouvait actuellement en Écosse. Il était amarré dans le Holy Loch de la
Clyde et se préparait à repartir en Méditerranée, en avril. Le Seraph était commandé par le lieutenant Bill Jewell, un jeune capitaine qui avait déjà
exécuté plusieurs missions secrètes et sur qui on pouvait compter pour une
entière discrétion. Montagu rédigea des ordres de mission pour Jewell et prit
ses dispositions pour rencontrer l’officier à Londres et lui faire une
description détaillée de sa nouvelle mission.
L’hydrographe de l’amirauté remit son rapport sur les vents
et marées au large de Huelva. Comme il se doit pour un homme soumis aux aléas
des conditions maritimes, il était particulièrement réservé, soulignant que
« les Espagnols et les Portugais ne publiaient pratiquement rien sur les
marées et les courants au large de leurs côtes ». En outre, « les
courants de cette zone ne faisaient essentiellement que monter et descendre le
long de la côte ». Si l’objet était largué au bon endroit, dans les bonnes
conditions, « le vent orienté au S[ud]-O[uest] devrait le diriger vers
l’extrémité de la baie, près de Huelva ». Toutefois, si le corps était
rejeté sur la côte, il n’était pas garanti qu’il y reste, parce que « s’il
ne s’échouait pas, il serait à nouveau emporté par la marée ». Ce n’était
pas idéal, mais pas suffisamment décourageant pour annuler l’opération. Quoi
qu’il en soit, se disait Montagu, l’« objet » en question était un
homme portant un gilet de sauvetage, et donc plus gros que l’objet à partir
duquel l’hydrographe avait échafaudé sa théorie. On pouvait donc s’attendre à
ce qu’il soit poussé par le vent et qu’il dérive vers la terre. Il
conclut : « Les courants côtiers ne sont pas pris en compte car le
vent de Sud-Ouest poussera le corps vers la terre, si Jewell peut le larguer
suffisamment près de la côte. »
Au cours de la dernière semaine de mars, Montagu rédigea un
rapport de progression en sept points à l’attention de Johnnie Bevan, qui
venait de rentrer d’Afrique du Nord, où il avait coordonné les plans de
l’opération Barclay avec le lieutenant-colonel Dudley Clarke. Les relations
entre Montagu et Bevan restaient tendues. « Je ne sais toujours pas très
bien qui est responsable des aspects administratifs liés à l’opération, écrivit
Bevan à Montagu, dans une note destinée à l’énerver. Je pense que nous sommes
tous d’accord sur le fait que plusieurs choses peuvent mal tourner. »
Montagu était parfaitement conscient du danger et savait
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