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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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gardien s’est remis à me battre, martelant de la hampe de sa pique mon flanc droit.
    Longtemps nous avons marché par les ruelles encombrées et bruyantes. Dans l’une d’elles où se succédaient les échoppes de cordonniers, de tailleurs, d’armuriers, de changeurs, j’ai aperçu derrière leurs comptoirs des chrétiens et un Juif en longue tunique jaune qui palabraient avec les infidèles.
    J’ai essayé de croiser le regard de ces hommes qui avaient choisi de poursuivre leur commerce dans cette ville livrée à l’ennemi et où les seuls chrétiens que j’avais vus jusqu’alors étaient enchaînés, battus, humiliés comme moi.
    Ces marchands-là empochaient leur argent et, le soir, devaient compter les deniers de la trahison.
    Comme mon père, mon frère, comme le roi Très Chrétien devaient soupeser les bénéfices de leur alliance avec le sultan.
    Je les ai tous maudits, ces félons, ces renégats !
    Et j’ai prié, Seigneur, pour que vienne le jour de leur châtiment, et que j’en sois le témoin !
    Nous sommes parvenus sur une place au centre de laquelle se tenait un groupe de femmes chrétiennes entourées de soldats.
    Une foule d’hommes silencieux, aux visages tendus, ne les quittait pas des yeux.
    Elles étaient assises à même le sol, serrant entre leurs bras leurs jambes repliées, le front appuyé à leurs genoux.
    Une seule était debout et me tournait le dos.
    Lorsque j’ai vu son visage, je me suis immobilisé malgré les coups.
    Ses cheveux blonds dénoués tombaient jusqu’à sa taille. Elle croisait les bras, paraissant ne pas voir les gardiens qui allaient et venaient, menaçant de leurs piques la foule des hommes qui avançaient puis refluaient.
    J’ai crié, j’ai voulu m’élancer vers Mathilde de Mons.
    Une douleur m’a brisé la nuque. Une lueur brûlante a envahi mes yeux, ma tête, enveloppant du même coup Mathilde de Mons.
    Je suis tombé.
    Quand j’ai rouvert les yeux, j’ai d’abord vu du bleu, puis j’ai compris que j’étais allongé sur le parquet d’une pièce au plafond peint de cette couleur. Je pouvais à peine bouger la tête. J’ai tenté de rassembler les débris de ma mémoire, mais je ne savais plus si cette femme debout, altière, était Mathilde de Mons, ou bien si j’avais imaginé sa présence au milieu des femmes capturées, destinées au harem.
    J’ai voulu me persuader que Mathilde ne pouvait se trouver parmi les captives. Puis, peu à peu, je me suis souvenu de ces bandes d’infidèles qui, débarqués d’une galère, la nuit, dans une crique, attaquaient les villages, se glissaient dans les vallons, surgissaient à des jours de marche de la mer, surprenant les paysans dans leurs champs, détruisant les récoltes, saccageant les églises, pillant masures et châteaux.
    Puis, avec leur butin et leurs prisonnières, ils regagnaient le navire qui les attendait.
    Ils avaient donc pu remonter la vallée de la Siagne jusqu’à la Grande Forteresse de Mons. Peut-être mon père et mon frère leur avaient-ils indiqué les gués, les sentiers qui leur permettraient d’éviter les postes de garde.
    C’était de bonne guerre. Les Thorenc et les Mons étaient rivaux et ennemis, les trêves entre eux avaient toujours été brèves, destinées à préparer leur prochain affrontement.
    Et puis, si François I er avait livré Toulon aux infidèles, pourquoi Louis de Thorenc ne leur aurait-il pas facilité le pillage de la Grande Forteresse des Mons ?
    Mon âme n’était plus qu’amertume et douleur.
    J’ai entendu des pas, mais, avant que j’aie pu me redresser, on m’avait saisi par les épaules, soulevé, maintenu debout.
    Au centre de la grande pièce sur les murs de laquelle j’ai deviné, comme des traits de clarté sur les boiseries sombres, les emplacements de deux crucifix, j’ai découvert Dragut.
    Grand, maigre, vêtu d’un pourpoint et de pantalons bouffants noirs, tête nue, les cheveux ras, il était planté comme un pieu acéré. Sa joue gauche labourée par une large cicatrice rose vif tranchait avec le brun mat du visage.
    Il s’est avancé. J’ai reconnu sa démarche souple qui donnait l’impression qu’il ne touchait pas le sol.
    — Tu es vivant parce que je l’ai voulu, m’a-t-il dit.
    Puis, s’approchant encore, si bien que j’ai senti l’entêtant parfum dont ses vêtements devaient être imprégnés, il a ajouté, méprisant :
    — Thorenc fils ! Si je ne t’ai pas égorgé, c’est parce que tu

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