Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
Philippe de Polin, qui avait amarré ses galères françaises, flanc contre flanc, aux galères turques !
    Voilà ce qu’était le comte Louis de Thorenc, âme damnée de souverains rebelles à leur Église, renégats à leur foi, prêts à toutes les félonies pour conserver, augmenter leur pouvoir, ennemis de l’Espagne, ennemis irréductibles de la juste et sacrée dignité impériale !
    Il s’est penché vers moi.
    — Et tu voudrais, toi, vicomte Bernard de Thorenc, prendre place dans notre armée, derrière notre roi ? Et tu voudrais que l’on te fasse confiance pour que tu plantes le poignard de la trahison dans le dos espagnol ?
    Les soldats m’ont retenu au moment où je m’élançais vers les marches de l’estrade. Ils ont pesé sur mes épaules, m’ont forcé à m’agenouiller. Ils ont croisé sur ma nuque les hampes de leurs piques dont le bois m’a écrasé, m’obligeant à ployer l’échine.
    J’ai deviné que Michele Spriano faisait un pas vers moi. J’ai senti sa main sur ma tête.
    Il a dit que j’avais préféré le bagne et la chiourme des infidèles à la liberté que m’offraient mon père et ce Philippe de Polin.
    — Don Garcia Luis de Cordoza, illustre capitaine général de Grenade, Bernard de Thorenc a refusé que les alliés des infidèles paient sa rançon. Je l’ai vu chaque jour au bagne d’Alger. J’ai soigné les plaies que les bourreaux de Dragut lui ont infligées. Je sais ce qu’il a subi, le courage qu’il a montré. Il a tué un renégat pour conquérir sa liberté, capitaine général, il ne l’a pas rachetée ! Demandez à votre neveu, Diego de Sarmiento. Faites-lui savoir que ses compagnons de bagne, Michele Spriano et Bernard de Thorenc, sont à Grenade.
    Don Garcia a dû faire un geste, car les soldats ont ôté leurs hampes de ma nuque et je me suis redressé.
    J’ai regardé le capitaine général. Il avait croisé les doigts sur sa poitrine, cachant ainsi le sceau qu’il portait accroché à un long collier fait de grands anneaux d’or.
    — Qu’on les garde au Presidio, a-t-il dit.
    Le père Fernando a balbutié quelques mots et les soldats nous ont entraînés hors de la grande salle sombre.

23.
    Ils m’ont enfermé dans une petite pièce voûtée seulement éclairée par une meurtrière que deux épais barreaux en croix partageaient. Le vent froid y glissait sa lame et ses sifflements étaient si aigus qu’ils me faisaient frissonner.
    Parfois s’y mêlaient des voix de femmes, lointaines et fugaces.
    J’imaginais ces lavandières que j’avais aperçues sur les berges du río Darro, le jour de notre arrivée à Grenade. Mon esprit volait vers elles. J’oubliais la colère qui torturait mon âme depuis que les soldats m’avaient poussé dans ce réduit qui comportait pour tout mobilier une couche étroite et un tabouret scellé au sol, ainsi que deux écuelles.
    J’écoutais ces chants, ces rires. Je m’agrippais aux barreaux. Je tentais de voir ces berges, ces femmes. Je me souvenais de leurs bras nus, du mouvement de leurs corps, de la peau blanche de leurs jambes.
    Mais les collines qui dominaient Grenade bouchaient mon horizon.
    J’apercevais seulement le sommet des murs de l’Alhambra et le grand crucifix qui s’élevait sur le Monte Mauror, au milieu du Campo de Los Martires.
    Je retombais dans ma fureur.
    Seigneur, je me rebellais contre Vous !
    N’avais-je tant souffert des infidèles que pour connaître une prison chrétienne ? Et que m’importait que l’Alhambra ne fût plus le palais des rois maures si les rats qui couraient sur mon visage, la nuit, dans la chiourme des galères de Dragut ou dans la citadelle de Toulon, menaient ici aussi leur sarabande autour de moi ?
    Me faudrait-il attendre sept années encore pour qu’enfin la liberté me fût accordée ?
    N’avais-je pas assez payé pour les trahisons de mon père et de mon frère ?
    Fallait-il que je connaisse le désespoir ?
    Je vous interrogeais, Seigneur, avec hargne, je le confesse.
    Dans quel nouvel abîme infernal aviez-Vous décidé de me plonger ? À quelles épreuves encore alliez-Vous me soumettre ?
    Ces questions, cette rage m’ont lacéré le cœur plusieurs jours.
    Puis, un matin, la porte a été ouverte et une femme a fait son entrée.
    J’ai d’abord vu les points bleus de ses yeux cerclés d’un blanc intense.
    La peau de son visage osseux n’en paraissait que plus mate, si foncée, même, que j’ai aussitôt pensé

Weitere Kostenlose Bücher