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Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
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la vie d’un homme qui pourra faire un rapport.
     
    Soudain un tir d’enfer se déclenche. Roch se rend compte qu’il ne s’était pas trompé dans son estimation. En outre, les viets possèdent des armes automatiques. Les écorces des banians sont criblées et, malgré le vacarme étourdissant des détonations les légionnaires perçoivent le claquement étrange que font les balles en ricochant sur la surface nauséabonde du marécage dans lequel ils ont cherché refuge.
    Économisant leurs munitions, espaçant leur riposte de cinq minutes en cinq minutes, les légionnaires ne tirent qu’une rafale à la fois. Leur seule ressource reste de signaler leur présence à l’ennemi et de l’empêcher de passer à l’attaque.
    Les cinq hommes savent qu’ils ne peuvent pas compter sur un envoi de renforts : une compagnie entière pourrait être anéantie par les viets embusqués, et ni Cao-Mit, ni Giang-Trom ne possèdent d’artillerie.
    Hampe décide d’en finir. Il bondit de son abri, tenant son fusil mitrailleur sous le bras, le trépied avant replié. Debout sur la piste, il tire sans interruption, hurlant en allemand les pires insultes. Il est atteint d’une rafale en pleine poitrine. Il tombe à genoux. Plusieurs tireurs s’acharnent sur lui, épargnant la tête afin de prolonger son agonie. Hampe est maintenant à quatre pattes ; par un miracle d’énergie, il trouve la force de dégoupiller une grenade et de la maintenir contre la culasse mobile de son fusil mitrailleur sur lequel il s’écroule. Il est probablement mort lorsque trois secondes plus tard la grenade explose, secouant son corps d’un dernier sursaut. Hampe a respecté l’ultime consigne : détruire son arme. La terre sèche de la piste a absorbé le sang du légionnaire avec la gloutonnerie d’un buvard, laissant seulement auprès du corps déchiqueté une pâle tache rosâtre.
    Bien qu’ils ne parviennent pas à distinguer les silhouettes des combattants viets Kraatz et Kreur ont repéré plusieurs des emplacements de feu de l’ennemi. Ils tirent, coup par coup, au fusil mitrailleur. De son côté, le sergent Roch lance des grenades à intervalles irréguliers. Les viets ne peuvent envisager une attaque à découvert sans encourir des pertes superflues. Ils savent que les légionnaires sont inexorablement pris au piège, car en cette période de pleine lune, la nuit ne leur permettra pas de se replier. Ils savent qu’ils ont tout le temps pour la mise à mort.
    Entre deux jets de grenade Roch ne regarde même plus dans la direction de la forêt : il demeure assis, adossé au tronc du banian, laissant à Kraatz et Kreur le soin de déceler une attaque éventuelle. Il a allumé une cigarette. En tirant les premières bouffées, il détache calmement le bracelet métallique de sa montre qu’il regarde un instant avant de la jeter aussi loin que possible dans le marécage. Son geste n’est pas passé inaperçu de Kraatz et Kreur qui pourtant ne le commentent pas.
    Un peu plus tard,  Kraatz interpelle le sergent.
    « On a du schnaps, chef. Vous en voulez ?
    –  Envoyez. Pas de refus. »
    Kraatz vide un bidon de l’eau qu’il contient et y verse la moitié d’un second bidon, puis le lance d’un geste précis vers l’abri du sergent, après avoir soigneusement vissé le bouchon.
    Les trois Allemands ont échangé ces brèves paroles en français : toujours serré dans sa cache, Pazut se demande si c’est par courtoisie à son égard ou simplement par habitude. Pendant un instant Kreur et Kraatz parlent entre eux à voix trop basse, et ni Roch ni Pazut ne saisissent le sens des paroles qu’échangent les « siamois ». Puis, de nouveau, Kraatz élève la voix pour s’adresser au sergent :
    « Kreur va tenter une sortie par-derrière, chef. On le couvre au maximum dans dix secondes. D’accord ?
    –  Aucune chance.
    –  Et alors ?
    –  Alors, d’accord. »
    Presque simultanément le F. M. de Kraatz et le pistolet mitrailleur de Roch crépitent tandis que Kreur s’élance dans le marécage. Après trois pas, l’eau boueuse a atteint sa taille. Il fait des efforts désespérés pour s’éloigner, mais il s’enlise de plus en plus. L’eau arrive jusqu’à sa poitrine quand il est transpercé par plusieurs balles qui le frappent dans le dos. Il s’enfonce verticalement et disparaît un instant. Comme il s’était débarrassé de ses chaussures et de sa cartouchière, son corps réapparaît à la

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